IV

 

 


 

Or donc voici encore que, le 21 mars de l'an de grâce 2000, jour du premier équinoxe printannier du nouveau millénaire (ou du dernier du XXe siècle, pour ceux qui rêvent de se retaper encore une fois les flonflons du 31 décembre 1999 : à chacun ses goûts... ), s'installait dans le jardin bruxellois dont il a déjà été question dans ces chroniques une famille de TRØLLS -- si l'on ose évidemment employer ce terme de «famille» pour désigner un magma de rejetons grisâtres au sourire niais et au nez couperosé, agglutinés dans les bras de ce qui leur tient apparemment lieu de pourvoyeur-géniteur (ou -yeuse/-trice, mais ça ne se voit pas tellement bien sur la photo...)

Est-il besoin de dire que l'initiative en était de nouveau revenue à la scalde [1] d'Øslø qui, comme on l'a déjà narré, avait auparavant expédié dans ce jardin de Saint-Gilles (jusque là sans histoire) un premier contingent de nains de jardins scandinaves -- en la personne d'une Julenisse dont on a également fait dûment état, et dont on a également signalé quelles avancées remarquables son arrivée inopinée a fait faire à l'hortonanologie internationale?

 

Mais une précision, ici, s'impose incontinent et tout de go.

Comme chacun sait ou, tout au moins, devrait savoir -- et n'aura plus désormais, en tout cas, l'excuse de ne pas savoir! --, les trolls ne sont pas, a proprement parler, les amis des nains de jardins. Ce serait même là, à vrai dire, un euphémisme digne du Guinness, voire une véritable litote montherlantienne («Je ne vous hais point»...). Alors en effet que le Petit Robert se contente paresseusement de décrire les trolls comme étant simplement «des lutins scandinaves» (se sont vraiment pas fait chier sur ce mot-là, les mecs...), voici ce que nous apprend la grande encyclopédie des Gnomes, déjà citée dans ces pages:

 

Trølls

«Les régions qu'ils habitent sont la Norvège,
la Suède, la Finlande, la Russie, la Sibérie.
[2]
Ils sont bêtes, primitifs, à la fois crédules
et méfiants, d'une laideur répugnante.

Ils ont un nez en forme de concombre
et une queue. Leur force est redoutable ainsi
que leur rapidité. Ils empestent et gardent
souvent dans leur maison des caisses pleines
d'argent et de bijoux volés, qu'ils caressent
des doigts pendant des heures.
[3]

 

 

Taille: [pouvant atteindre] plus d'un mètre

Couleur: jaune-brun

Cheveux: noirs et d'une saleté répugnante

 

Dans le nord de l'Europe, en Russie et
en Sibérie, les gnomes ont souvent de
grandes difficultés avec les trolls, car
ceux-ci sont des fauteurs de trouble
dont l'agressivité est dirigée contre bêtes
et gens avec lesquels les gnomes
entretiennent d'excellentes relations.

Heureusement, une fois hors de leur trou,
les trolls n'ont aucun pouvoir sur les gnomes
qui, de plus, sont infiniment plus intelligents
qu'eux. Mais si, un jour, les trolls arrivent à
s'emparer d'un gnome, il peut se passer des
choses épouvantables (...) Les trolls ne
cherchent pas vraiment à tuer le gnome;
ils ne sont pas méchants à ce point, mais
le gnome risque avec eux de vilaines blessures.
En fait, presque toujours, il parvient, grâce
à ses propres ressources ou à des secours
extérieurs, à s'échapper du trou des trolls (...)»

 

 

Reconnaissons sans faire de chichi que ce n'est vraiment pas de la tarte -- fût-elle flambée à l'alsacienne ou se rapprochant (même vaguement) de la quiche aux chicons!

 

La famille de trolls en question, prise au téléobjectif
(N.B. la saleté légendaire des trolls embrouille même les lentilles les plus perfectionnées...)

 

 

Faut-il vraiment s'étonner de la réaction immédiate de
quelques-uns chats de la maisonnée?!?

«Ouache! Mais qu'est'c'k'c'est k'ça?!?»

 

 

Et pourtant, pourtant... -- était-ce l'effet lénifiant du printemps sur les moeurs, le doux parfum des jonquilles qui venaient à peine d'éclore, ou simplement la bénignité communicative de la bonne bouille de Lhomère Laviolette (originaire, comme on se souviendra, du continent cool du «Peace and Love»)?

Ou, alors, fallait-il faire l'hypothèse de réels prolégomènes à quelque improbable espoir de réconciliation universelle??? Cela pouvait-il même augurer de lendemains chantonnants entre Ehud B. et Yasser A., l'Irlande du Nord et la Corée du Sud???

 

Ne voilà-t-y pas -- en tout cas -- que le jeune Spirou, petit matou de bonne famille et de moeurs postmodernes, s'approchant audacieusement de «la chose» immonde (quoique manifestement dégoulinante de fruste bonne volonté, si l'on en juge par les clichés ici rapportés), se mit sans crier gare à bécoter tendrement celle-ci sur le crâne, comme les euphoriques coéquipiers d'Emmanuel Barthez au temps jadis (et béni) du dernier Mundial...

 

 

 

... ce que voyant, nos deux nains de jardins bien connus s'empressèrent de joindre leur propre enthousiasme à la concorde naissante et, sous le bienveillant protectorat du jeune félin veillant au grain, acceptèrent de poser pour un -- jusque là si peu probable -- «portrait de famille» dont on peut d'ores et déjà estimer qu'il fera époque dans les annales de l'hortonanologie...

 

 


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Phénoménologie des mythes régulateurs post-néandertaliens,
résurgences et rémanence dans l'univers citadin à l'aube du 3e millénaire

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[1] «Scalde» (mot d'origine scandinave) : «poète». C'est le nom donné aux anciens bardes scandinaves, auteurs de poésies transmises d'abord oralement puis recueillies par écrit dans les grandes «sagas». Ne pas confondre avec «scalp». [retour au texte]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[2] On en trouve cependant aussi, en Amérique septentrionale et dans divers pays d'origine celtique, une variété caractérisée par une tignasse aussi hirsute que flamboyante, mais néanmoins généralement propre -- encore qu'ayant tendance à adopter un style légèrement punk --, et par ailleurs dépourvue d'appendice caudal. [retour au texte]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[3] D'où, bien sûr, l'hypothèse de rapprochements possibles avec les Nibelungen de la tradition germanique. Voir à ce sujet la Phéménologie des mythes régulateurs post-néandertaliens, résurgences et rémanence dans l'univers citadin à l'aube du 3e millénaire. [retour au texte]