projet de colloque dans le
cadre
du Congrès des Sociétés Savantes
Université Laval, 24-26 mai
2001
Présentation du projet
Parmi les manifestations de la culture contemporaine qui sollicitent l'attention des sciences humaines, il y a lieu de faire une place singulière au phénomène des raves qui, depuis plus d'une dizaine d'années maintenant, rassemblent et coalisent l'exubérance de milliers d'adolescents et de jeunes adultes.
Le raven'est certes plus, aujourd'hui, le phénomène marginal et à maints égards clandestin qu'il fut à ses débuts, repaire d'une poignée bigarrée de jeunes mutants de la nuit. Au rythme envoûtant -- et conquérant -- d'une musique dite «industrielle» ou «techno» le plus souvent dépouillée de toute narrativité, il s'est peu à peu diffusé dans la trame de la culture «urbaine» occidentale, s'imposant comme l'une des formes les plus significatives de l'effervescence de notre époque au sein des jeunes générations, exerçant un impact déterminant sur l'esthétique, la musique, la mode, les comportements, les valeurs et les styles de vie.
Des regards «de l'intérieur» ont intuitivement perçu le rave sous les traits d'un remarquable «rituel festif» (Ben Saâdoune et al., 1997 ; Gauthier, 2000 -- voir également Jeffrey, 1998), non sans affinités avec le déferlement du carnaval brésilien (Choinière, 1997), voire avec l'antique dionysisme grec (Painchaud, 1997) -- y compris dans la transe qu'il induit et dans le recours important qui y est fait à certaines substances psychotropes. D'autres ont souligné le caractère très fortement tribal de la socialité qui s'y déploie (Maffesoli, 1988, Hampartzoumian et al., 1999), mis en lumière les transformations qu'on a pu y observer eu égard à l'économie contemporaine de la sexualité et de l'érotisme (Joos, 1997), et même suggéré d'y voir l'un des lieux possibles d'une quête -- postmoderne -- de la transcendance (Ménard, 1999).
Qu'ils se situent d'emblée à l'intérieur de la «scène» rave ou qu'ils scrutent celle-ci avec un regard plus distancié, tous les observateurs ont unanimenent signalé l'essence profondément festive -- et, de ce fait, largement transgressive -- du phénomène. Par là-même, et de manière plus ou moins consciemment exprimée, ces lectures ont pointé du doigt une virtualité éminemment religieuse du rave, au sens séminal des théorisations de Durkheim (1991) et de tout le courant socio-anthropologique qui s'en est inspiré depuis un siècle (par exemple, H. Hubert et M. Mauss, R. Bastide, R. Caillois, G. Bataille).
À ce titre, le phénomène rave sollicite bel et bien le regard des sciences de la religion. Plus précisément peut-être, il provoque leur capacité de saisir la dimension authentiquement religieuse de ce «bouillon de culture» et des nouveaux visages qu'il génère, assurément fort différents des formes historiques et traditionnelles de la religion -- à l'étude desquelles les sciences «religieuses» universitaires demeurent encore largement vouées. L'interpellation est sans doute d'autant plus grande que le phénomène en question concerne d'abord et avant tout des -- jeunes -- générations largement exilées de ces formes religieuses traditionnelles, et dont le vécu demeure le plus souvent aussi étranger qu'impénétrable aux praticiens universitaires des sciences humaines. On comprend de ce fait sans peine que l'étude d'un tel phénomène se présente comme un véritable défi à la recherche universitaire -- y compris, pour ce qui nous concerne ici davantage, à celle qui s'intéresse au phénomène religieux dans la culture actuelle. (voir l'essai de problématisation de F. Gauthier sur ce site, Le rave, une pensée de la nuit).
C'est un tel défi qu'entend contribuer à relever le colloque Technoritualités, qui aura lieu lors du Congrès de l'Association canadienne française pour l'avancement des sciences (ACFAS) (Université de Sherbrooke, Québec, mai 2001).
Cette manifestation scientifique s'inscrit dans le cadre d'un projet plus vaste, qui devrait aussi notamment comporter un second volet, multidisciplinaire et multimédiatique, prévu pour la fin de l'été 2001, lequel intégrera également le monde des arts et celui des média.
Pour sa part, et après en avoir bien identifié les principales caractéristiques (historique, évolution, etc.), ce colloque visera à éclairer le phénomène rave à la lumière des grandes catégories et des principaux outils conceptuels de l'anthropologie religieuse -- le sacré, le rituel, le mythe, etc. Il s'arrêtera bien sûr ainsi au caractère festif déterminant de ce phénomène, et dans lequel R. Caillois (1950), notamment, voyait l'essence même de l'expérience transgressive, chaotique et régénératrice du sacré. Le colloque s'interrogera également sur les affinités que le rave offre avec d'autres phénomènes analogues à travers le temps et l'espace (l'ancien dionysme grec, le carnaval européen du Moye Âge ou celui, plus contemporain, du Brésil) ainsi que sur les nouvelles valeurs -- éthiques -- qu'il contribue à diffuser dans la société, notamment celles qui forment l'acronyme anglais PLUR -- Peace, Love, Unity, Respect: celles-ci rappellent significativement le mouvement hippy des années soixante et sont intimement associées à la culture rave. On tentera également de voir dans quelle mesure un phénomène de ce genre peut être interprété avec fécondité au moyen de certaines théorisations actuelles des sciences de la religion (par exemple, la théorie des «déplacements du sacré», la notion de «religion implicite») et à quel point certaines hypothèses actuellement présentes au sein des sciences humaines, et notamment celle de la postmodernité, peuvent être utiles pour mieux saisir le phénomène et en analyser la signification. Ce colloque étant encore à un stade relativement inchoatif de sa mise en oeuvre, d'autres approches et d'autres thèmes pourront encore s'y ajouter, y compris à la suggestion de personnes intéressées à y participer.
Organisation du colloque
Le colloque est d'ores et déjà prévu pour une durée d'une journée (date encore à préciser), réunissant une douzaine de communications d'une vingtaine de minutes chacune, suivies d'une courte discussion. Il s'adresse aux universitaires (enseignants, chercheurs, étudiants avancés) actifs dans diverses disciplines des sciences humaines et de quelque manière intéressés par l'étude des dimensions religieuses, mythiques et rituelles de la culture actuelle. Il s'adresse également à des personnes qui, sans être elles-mêmes universitaires mais ayant peut-être, en revanche, une expérience intime de la «scène» rave, sont intéressées à participer à une réflexion de haut niveau sur lc phénomène.
Publication des communications
Les travaux de ce colloque feront l'objet d'une publication dans un numéro de la revue Religiologiques, dans le courant de 2002. À cet effet, les participants seront invités à soumettre une version écrite (et possiblement plus élaborée) de leur présentation à la fin de l'été 2001.
Autres productions
D'autres productions (multimédiatiques) sont également envisagées en lien avec le second volet du projet.
Ouvrages cités
ou pour proposer une communication dans le cadre de celui-ci,
contacter l'un ou l'autre des responsables du projet :
François Gauthier
Guy Ménard
Maîtrise en sciences des religions
Professeur
Département des sciences religieuses
Département des sciences religieuses
Université du Québec à Montréal
Université du Québec à Montréal
C.P. 8888 succursale Centre-Ville
C.P. 8888 succursale Centre-Ville
Montréal, Qc H3C 3P8
Montréal, Qc H3C 3P8
(514) 282-0143
(514) 527-8452