Le R.I.E.R.
Créé en 1979 par les départements de sciences religieuses de l'Université du Québec à Montréal et de l'Université Concordia, le Regroupement interuniversitaire pour l'étude de la religion (R.I.E.R.) vise entre autres objectifs à fournir un support au développement et à la diffusion de la recherche dans le domaine de l'étude de la religion et des phénomènes qui s'y rattachent. C'est ainsi par exemple qu'il organise chaque année un ensemble d'activités scientifiques et notamment des séminaires libres de recherche sur la contribution théorique et méthodologique de chercheur-e-s de réputation internationale dans le domaine de l'étude de la religion. Ces séminaires s'adressent à des professeur-e-s, chercheur-e-s, étudiant-e-s des cycles supérieurs qui, appartenant à diverses disciplines, s'intéressent à l'étude scientifique du phénomène religieux. Ils prennent habituellement la forme d'une série de rencontres pendant l'année universitaire, au terme desquelles la personne dont la contribution a été étudiée vient elle-même discuter de son oeuvre avec les participant-e-s. Ont ainsi été invités depuis 1979 Madame et Messieurs René Girard et R. Gustafson (1979-80); Michel de CerteauÝ et G. Winter (1980-81); Jean Delumeau et Robert Bellah (1981-82); Mary Douglas et Jean Pohier (1982-83); Michel Meslin (1983-84). Certains de ces séminaires ont par ailleurs déjà donné lieu à des publications.
Le F.R.I.S.Q.
Fondé pour sa part en 1984 par des chercheurs de l'UQAM et de l'Université de Montréal, le Forum de recherches sur l'imaginaire et la socialité québécoise (F.R.I.S.Q.) vise à regrouper des universitaires, professeur-e-s, chercheur-e-s, étudiant-e-s avancé-e-s, provenant d'horizons divers des sciences humaines et engagés dans des travaux de recherche sur divers aspects de l'imaginaire et de la socialité québécoise. Au cours des deux premières années de son existence, le F.R.I.S.Q. a précisé ses orientations théoriques et méthodologiques, multiplié les contacts avec plusieurs chercheurs et groupes de recherche qui, au Québec et ailleurs, partagent des intérêts et des préoccupations proches. Le F.R.I.S.Q., en décembre 1984, a été officiellement reconnu comme équipe associée au Centre de Recherche sur l'Imaginaire (Groupement de Recherches Coordonnées 13056 - C.N.R.S., France) fondé par Gilbert Durand dans les années soixante. Il a organisé un colloque de lancement en septembre 1985 (UQAM, Salle des Boiseries) et un premier séminaire libre de chercheurs au cours de l'année 1986-87 sur le thème général du C.R.I.-G.R.E.C.O. («mythe du changement: changement du mythe»).
Séminaires 1986-87 - J.-J. Wunenburger
Le F.R.I.S.Q. et le R.I.E.R. ont de nouveau coordonné leurs efforts pour organiser, pendant l'année 1986-87, un séminaire libre de recherche autour de travaux du professeur Jean-Jacques Wunenburger, professeur de philosophie à l'Université de Bourgogne (Dijon). Agrégé de philosophie, docteur ès lettres, J.-J. Wunenburger a également été professeur invité dans divers établissements de Tunisie et de la République fédérale allemande, notamment. Il est en outre directeur du Centre de recherches sur l'imaginaire, le symbole et le mythe de Dijon.
Ce séminaire s'inscrit de quelque manière dans la continuation de celui que le F.R.I.S.Q., de concert avec le Regroupement interuniversitaire pour l'étude de la religion (R.I.E.R.), organisait en 1985-1986 autour de la contribution du sociologue Michel Maffesoli (Université de Paris V - Sorbonne, directeur du Centre d'études sur l'actuel et le quotidien du Centre de recherche sur l'Imaginaire). (Les travaux de ce séminaire ont été publiés dans les Cahiers de Recherche du RIER, N° 4 / Cahiers du FRISQ, N° 1, Montréal, automne 1987.)
Les travaux de J.-J. Wunenburger se situent à la jonction de plusieurs courants actuels des sciences humaines qui s'intéressent à la compréhension du phénomène religieux au sens le plus vaste et le plus dynamique du terme (philosophie, sociologie, anthropologie, psychanalyse) en soulignant l'importance des traverses interdisciplinaires. Jean-Jacques Wunenburger, dans la mouvance des recherches actuelles du CRISM de Dijon, s'intéresse depuis plusieurs années à l'étude du mythe à travers l'histoire aussi bien que dans la culture actuelle. (Il présentait en ce sens une importante communication sur «l'épistémologie du mythe» dans le cadre du prestigieux colloque de Cerisy (juillet 1985) justement consacré au thème du mythe et du mythique. Les actes de ce colloque ont paru sous le titre Le mythe et le mythique, Paris, Albin Michel, «Cahiers de l'hermétisme», 1987.)
Son essai sur La fête, le jeu et le sacré (Paris, 1977, Éditions universitaires) jette par ailleurs sur le phénomène de la fête - crucial pour une compréhension du sacré et de ses résurgences contemporaines - un éclairage à maints égards unique, qui puise à la fois aux traditions de la philosophie herméneutique et de la phénoménologie (e.g. R. Otto, G. van der Leeuw, M. Eliade) et à celles de la socio-anthropologie religieuse héritière des grands classiques: Durkheim, Weber, Hubert et Mauss. Cet essai , de manière plus précise, porte une attention particulière à ce que Wunenburger décèle comme un trait caractéristique de notre modernité: la tendance contemporaine au panludisme - véritable «utopie de la fête permanente».
La problématique qui a inspiré le séminaire autour de J.-J. Wunenburger se rapproche pour l'essentiel de celle qui avait animé le séminaire autour de M. Maffesoli. Elle part en effet de la constatation d'un intérêt - croissant depuis quelques années dans plusieurs disciplines des sciences humaines - pour ce qu'on a par exemple proposé d'appeler le «retour du religieux», le «resurgissement du sacré» ou «la mort et la renaissance de l'utopie»: à travers la prolifération des «nouvelles religions» et des «nouvelles spiritualités», le regain d'intérêt pour l'«ésotérique» et les «sciences occultes», la religiosité diffuse et perceptible dans l'adhésion de plusieurs de nos contemporains à des réalités aussi diverses que l'écologie, l'érotisme, le «culte des vedettes» ou tant de visages de la fête, phénomène également constatable dans la mutation significative qui paraît affecter plusieurs des grandes idéologies et des puissantes utopies de notre modernité: lors même en effet que plusieurs d'entre elles paraissent connaître un brutal dépérissement (on pourrait notamment songer à bien des projets politiques si vigoureux il y a à peine une dizaine d'années), de nouvelles utopies - souvent auréolées d'une sacralité à maints égards inédite - semblent vouloir se cristalliser autour de phénomènes à première vue aussi «profanes» et «fonctionnels» que les «nouvelles technologies», par exemple. Tout semble à vrai dire se passer comme si, à l'encontre des prophéties positivistes et des lectures rationalistes d'une longue époque, notre modernité occidentale n'avait pas du tout fait disparaître l'expérience du sacré et celle de ses prolongements religieux, mais les avaient plutôt déplacés vers d'autres lieux et de nouveaux objets.
Mais tout aussi intéressant et important sans doute que cette constation elle-même paraît bien être, justement, l'intérêt croissant de chercheurs appartenant à diverses disciplines des sciences humaines (et non plus seulement à la sociologie ou à la psychologie religieuse «spécialisées», par exemple) pour ce vaste champ où conflue l'étude du sacré, du religieux, du mythique, du rituel, de l'inconscient collectif, de l'utopie et de l'imaginaire symbolique. Le développement d'une telle convergence interdisciplinaire compte bien entendu parmi les objectifs importants du FRISQ depuis quelques années. Il a également nourri l'ensemble des séminaires du F.R.I.S.Q. au cours de l'année 1986-87, dont les travaux paraissent également dans ce cahier.
Un cahier de recherche
Ce cahier de recherche regroupe la principale contribution du professeur Wunenburger à l'occasion du séminaire organisé autour de ses travaux, ainsi que la plupart des contributions présentées au cours de l'année 1986-87 dans le cadre des séminaires du FRISQ.
J.-J. Wunenburger, après avoir présenté un bref historique de la notion de sacré à travers les diverses acceptions de ce terme, considère que, pour être viable en quelque sorte, ce sacré, quelle que soit la définition qu'on peut en retenir, demeure présent au coeur de l'être humain tout en lui étant étranger. Il ne s'agit plus aujourd'hui, selon Wunenburger, de s'interroger sur le «besoin de sacré» qu'ont les humains, cela étant établi, mais plutôt de considérer que le sacré révèle à l'être humain cet Autre qui vit en lui, tout en préservant son altérité radicale.
Si certaines des contributions de ce cahier peuvent sembler présenter du sacré une perspective plus «extérieure» par rapport à l'homme, la plupart constatent en revanche, sans hésiter, cette dimension anthropologique du sacré et reconnaissent l'importance capitale de l'imaginaire pour une «approche» du sacré.
Guy Ménard, à partir d'une recherche sur les dimensions symboliques et mythiques de la technique, suggère l'impact de cette dernière sur «l'économie contemporaine» du sacré, en proposant notamment la fécondité du concept de dissacralité. S'inscrivant dans le cadre de cette même recherche, Marie Douville étudie les diverses représentations du «Virage technologique» à travers les discours des médias et des hommes politiques qui en firent la promotion.
Luc Racine, sans renier le structuralisme de Lévi-Strauss mais en souhaitant le prolonger dans la mouvance des travaux de R. Bastide et de G. Durand, illustre pour sa part une nouvelle conception de l'analogie et de ses liens avec le symbolique. Plus méfiante à l'égard de l'école structuraliste, qui tend selon elle à enfermer le mythe dans des «formules», annihilant la possibilité que l'imaginaire puisse s'y retrouver, Ginette Paris présente quant à elle l'imagination mythique, selon la psychologie archétypale, comme «création de l'âme», - celle-ci étant considérée non comme une dimension intérieure de l'être humain mais plutôt comme une totalité englobant celui-ci.
Aux échos «polythéistes» de cette psychologie archétypale, Michel-M. Campbell amorce une intéressante discussion sur la fécondité culturelle du «monothéisme». Au-delà du débat opposant polythéisme et monothéisme, l'essentiel, selon lui, doit demeurer pour l'être humain la «connaissance de Dieu» - c'est-à-dire, de «Celui qui est», connaissance nécessitant le recours à l'imaginaire et au symbolique.
«Coups de formes»: voilà un titre qui aurait bien convenu à la contribution dans laquelle Alain Médam, à la suite des travaux inspirants de G. Simmel, notamment, propose une réflexion sur la manière de penser ces «formes» qui nous permettent d'imaginer - et d'«habiter» - notre existence quotidienne. S'inspirant à la fois de ces considérations sur la «forme» et de l'impact de la technique sur l'«éthos» contemporain, Gilbert Renaud esquisse quelques jalons d'une «sociologie du travail social» délaissant l'hégémonie prométhéenne et surplombante du «projet» et se présentant plutôt comme un trajet au sein de l'imaginaire qui ne cesse de tarauder l'être ensemble et le «travail du social».
S'inspirant des travaux de Gilbert Durand sur les structures anthropologiques de l'imaginaire, Nic Deville et Manon Lewis explorent l'un et l'autre les structures de cet imaginaire de la culture contemporaine, le premier à travers le phénomène du «vidéo clip», la seconde au coeur du paysage fantastique de la bande dessinée actuelle.
Ils tiennent enfin à remercier particulièrement Mad. Marie Douville dont la collaboration à la production de ce cahier de recherche a été inappréciable.
Au nom des organisateurs,
Guy Ménard, professeur
Département de sciences religieuses, UQAM
directeur du RIER (1986-87)
co-directeur du FRISQ
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