«...un temps pour s'abstenir d'embrasser»?
Liquid Incense ou: la théologie dans le sauna
Le SIDA, maladie théologiquement transmissible?
De la pornographie théologique à une hagiographie gaie
Seigneur, je me charge de mes ennemis, mais protège-moi de mes amis...
L'homosexualité, entre la religion et la morale
Prêtres ou prophètes? Les gais et les «ministères»
La théologie gaie, entre l'essentialisme et le constructivisme
L'«insoutenable légèreté» de l'être-gai ou: encore une fois, les clowns...
L'épître
inachevée: Jean, Paul - ou Jean-Paul? - aux hommes et aux
femmes
en quête d'une éthique et d'une
spiritualité de la sexualité
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«...un temps pour s'abstenir d'embrasser»?
De Sodome à l'Exode (Jalons pour une théologie de la libération gaie)[1] date déjà d'une dizaine d'années. L'époque était à l'enthousiasme des mouvements de libération, à l'affirmation des militantismes. La conjoncture de la fin des années quatre-vingt s'est significativement transformée: refroidissement de ces militanismes, «acquis» relatifs de la libération gaie, expérience différente des «nouvelles générations» homosexuelles, impact du SIDA, etc. .
Par ailleurs, contrairement à l'espoir formulé dans cet essai (qui suggérait notamment un certain nombre de pistes en vue d'une théologie de la condition homosexuelle), force est de reconnaître qu'il s'est fait relativement peu de réflexion théologique, depuis lors, sur la condition gaie[2] masculine (surtout si l'on compare aux avancées significatives de la théologie féministe/lesbienne).
D'où le projet de ce livre: il ne s'agit pas d'une «thèse» ou d'un ouvrage académique - ce qui ne signifie toutefois pas qu'on s'y contentera d'une théologie «à rabais». De plus, et au risque de faire froncer les sourcils de théologiens «sérieux», cet ouvrage aura un aspect délibérément provocant, urgent, rapide (d'où son sous-titre...) en raison même de l'urgence de nourrir la réflexion sur la théologie et la spiritualité gaies. Cette urgence tient notamment au contexte actuel de la société, de la culture et de la communauté chrétienne et, plus particulièrement peut-être, au désarroi qu'a entraîné pour plusieurs la bousculante apparition du SIDA. On peut d'ailleurs penser qu'a maints égards, et pour plusieurs de nos contemporains, cette irruption du SIDA dans la vie sexuelle de notre temps dessine une sorte de démarcation entre un «avant» et un «après». L'expérience gaie d'«après» cette irruption du SIDA devrait-elle donc s'inspirer de la parole de Qohélet utilisée comme titre de cette introduction?[3]
Ce n'est pas exactement ce que suggère ce livre qui tente au contraire plutôt, à travers un certain nombre de réflexions sur divers thèmes de l'expérience gaie (masculine), de mettre en lumière des aspects d'une théologie et d'une spiritualité inédites, nées de l'«explosion» même qu'a représentée à plusieurs égards, dans notre culture, l'expérience gaie d'«avant» le SIDA; aspects qu'un retour (actuellement perceptible) à une «moralisation» plus vigoureuse risque d'oublier ou de faire perdre de vue.
Cet essai suggère en revanche que l'expérience gaie, notamment à travers cette «épreuve» du SIDA, est susceptible d'acquérir une sorte de gravité qui l'humanise encore davantage sans pour autant perdre cette «insoutenable légèreté» qui constitue peut-être sa plus marquante contribution à la culture aussi bien qu'à la spiritualité de notre temps.
Liquid
Incense[4]
ou: la théologie dans le sauna
Ce titre ne vise évidemment pas à caricaturer l'expérience gaie et, plus précisément, à réduire la sexualité homosexuelle aux murs des saunas et aux effluves des poppers... Il souhaite en revanche aborder de front la question d'une théologie et d'une spiritualité surgies du coeur même de l'expérience gaie - y compris dans ses aspects les plus «controversés» - et non pensées «ailleurs», produites «par d'autres», imposées aux gais «de l'extérieur» de leur expérience ou à partir de ce qui, dans leur expérience, apparaît le moins problématique à la conscience chrétienne[5].
Mais, pour cela, il est nécessaire de poser de nouveau la question fondamentale de ce qu'est que la théologie - et de la soustraire à l'image oppressante et poussiéreuse, étrangère à l'expérience gaie, qu'on en entretient trop souvent.
La théologie se présente essentiellement comme une intelligence de la foi, comme une herméneutique - c'est-à-dire comme une interprétation - croyante du présent.
Les croyants se réfèrent à une signification fondamentale qui les fait vivre, à une parole (celle du Christ, pour les chrétiens) qui donne sens, espoir et direction à leur vie. Les mots qui donnent accès à cette parole de vie (la Bible, par exemple, et toutes les interprétations que des siècles de tradition en ont données) appartiennent à des époques et à des cultures souvent radicalement différentes des nôtres. (Peu de gens aujourd'hui sont par exemple capables de lire l'Evangile dans sa version originale en grec... Nous n'y avons accès qu'au moyen de traductions dans notre langue.)
Pour retrouver le sens de ce message, le sens vivant (et non une lettre morte, c'est-à-dire aussi une lettre qui tue), les croyants de chaque époque et de chaque culture doivent traduire ce sens à partir de leurs mots, dans le présent de leur existence. (La Bible, par exemple, ne «prévoit» ni les pluies acides, ni la conquête spatiale, ni la possibilité de fécondation in vitro... C'est aux croyants d'aujourd'hui d'en «continuer les pointillés», si l'on peut dire, pour se situer par rapport aux réalités de ce temps.)
Pour être fidèles au sens qui les fait vivre, les croyants d'aujourd'hui doivent souvent hasarder des paroles neuves, inédites, qui vont parfois même à l'encontre des textes où ce sens leur est donné. (Saint Paul, par exemple, dans le contexte de son temps, intimait aux femmes l'ordre de se taire dans les assemblées chrétiennes.
C'est pourtant lui aussi qui affirmait que, dans le Christ, il n'y a plus de distinction fondamentale entre l'esclave et l'homme libre, entre l'homme et la femme... Aujourd'hui, pour être fidèle à ce sens plus profond de son message - plutôt qu'aux contingences culturelles de son époque - il faut oser aller à l'encontre de certaines de ses injonctions...)
Toute la théologie tient dans le risque de ce geste continuel d'interprétation. Risque, parce que toute interprétation peut être trahison . Mais aussi parce que toute réinterprétation est souvent bousculante... (Il a fallu pas mal de temps, d'hésitation - et de courage - à l'Église pour admettre que Galilée non seulement n'avait pas tort, mais que ses thèses n'allaient pas à l'encontre ce que qu'on avait jusque là tenu pour l'enseignement de la Bible...) Les croyants savent cependant que l'Esprit est présent au milieu d'eux pour les soutenir dans cette tâche.
L'expérience gaie, comme n'importe quelle autre, doit être un lieu à partir duquel des croyants risquent une telle réinterprétation du message chrétien qui les interpelle. De même que les peuples non-occidentaux ou les femmes, par exemple, ont à faire ce travail à partir de leur réalité (et non abandonner à d'autres la responsabilité de le faire à leur place), de même les croyants gais ont à assumer sans crainte cette tâche de faire surgir la théologie et la spiritualité de leur expérience spécifique.
Personne, aucun groupe ne peut épuiser la signification du message évangélique. Pas plus les gais que les autres. En revanche, à travers toutes ces interprétations - y compris celles des gais -, c'est le Christ total qui prend peu à peu visage dans l'histoire. En ce sens, les gais n'ont pas à emprunter à d'autres leur théologie et leur spiritualité mais les faire surgir de leur expérience et de sa confrontation avec l'Évangile. Non seulement eux, mais toute la communauté chrétienne en a besoin - comme elle a besoin que Dieu soit dit aussi avec des mots de femmes, comme à travers des cultures différentes de celle de l'Occident.
Ce sont des pistes dans cette direction que propose ce livre qui s'inscrit résolument dans la tradition chrétienne mais sans craindre de jeter à l'occasion un regard sur d'autres traditions religieuses de l'humanité susceptibles d'enrichir une théologie et une spiritualité de l'expérience gaie contemporaine.
Le SIDA, maladie théologiquement transmissible?
L'apparition du SIDA lance un formidable défi non seulement aux gais mais à l'ensemble de la communauté chrétienne dans ses capacités concrètes d'accueil de l'autre qui souffre et qui, à ce titre, demeure un signe prévilégié du Christ. («Chaque fois que vous avez soigné l'un de ces plus petits qui son mes frères, c'est moi que vous avez soigné». Mt 25).
Le SIDA est - et n'est pas - une maladie «comme une autre». Il l'est dans la mesure où il représente une souffrance et une menace pour les hommers et les femmes de ce temps et un défi qui doit être relevé par la science et la recherche contemporaine. Il ne l'est pas dans la mesure où, comme un certain nombre d'autres maladies dans l'histoire (la lèpre, la peste, la tuberculose, par exemple) il est aussi porteur de métaphore (quand on l'associe par exemple à une «punition divine»). Une métaphore, c'est à dire une image: à travers lui, quelque chose d'autre se dit (comme la peste, au Moyen Age, qui parlait de la peur à l'égard des Juifs). Cette métaphore rend la maladie encore plus cruelle à supporter pour ceux et celles qui en sont atteints. En attendant que des solutions médicales soient trouvées, il est au moins possible et nécessaire de lutter contre ces parasites métaphoriques du SIDA.
Il serait par ailleurs proprement pharisien que les Églises prétendent accueillir et soigner d'une main les personnes (et notamment les gais) atteintes du SIDA tout en continuant à les blesser de l'autre et à leur fermer la porte au nez (comme le recommande la «Lettre pastorale» du Vatican (1986) à propos des groupes de chrétiens gais).
Or non seulement un tel accueil est-il loin d'être généralisé dans la communauté chrétienne, mais plusieurs attitudes de l'Église en matière de sexualité contribuent paradoxalement à maintenir (notamment chez les gais) des comportements sexuels à hauts risques de SIDA:
- en s'opposant à plusieurs formes de publicité visant à informer sur le SIDA (et sur les moyens de l'éviter);
- en préconisant une éducation sexuelle extrêmement restrictive (qui, entre autres choses, ne prend aucunement en compte la possibilité de relations homosexuelles authentiques);
- en refusant d'admettre et d'encourager des formes de relations homosexuelles stables, et en ne laissant de ce fait à plusieurs - y compris au sein même du clergé - que des formes de sexualité anonymes, fugaces - et risquées.
De la pornographie théologique
à une hagiographie gaie
La «Lettre pastorale» sur l'homosexualité publiée par le Vatican à la fin de 1986 (sous la plume du cardinal Ratzinger) a suscité beaucoup d'émoi dans le monde gai et au-delà. Par certains côtés, elle peut-être vue comme un «progrès»: pour la première fois, en tout cas, et dans un document de réelle envergure qui porte uniquement sur cette question, Rome semble enregistrer l'incontournable importance de la réalité homosexuelle.
Ceci dit, le document demeure profondément décevant. On l'a sévèrement critiqué, suggérant même (e.g., la théologienne américaine Mary Hunt) d'y voir une sorte de «pornographie théologique». Comme la pornographie, en effet, le document romain dépersonnalise l'expérience homosexuelle en mettant toutes ses formes «dans le même sac»; il réduit par ailleurs cette expérience à une «affaire de cul» désordonnée, négligeant totalement les autres dimensions qui s'y expriment (amour, affection, souci de l'autre, etc.); il ouvre enfin la porte à la violence en faisant porter aux seuls revendications («illégitimes et exagérées») des gais le responsabilité de l'hostilité susceptible de surgir à leur endroit dans la société.
C'est pourtant tout le contraire que commanderait un véritable accueil des personnes d'orientation homosexuelle, un hagiographie , pourrait-on dire, au sens le plus riche de ce terme.
L'Église, à travers son histoire, a canonisé un certain nombre de personnes, en a fait des saints qu'elle proposait à l'exemple des fidèles. Les «saints» ne sont pas des êtres humains «parfaits» mais des hommes et des femmes qui ont particulièrement réussi leur vie avec leurs richesses et leurs limites. En proposant de tels modèles, l'Église, selon les époques et les conjonctures, proposait en somme diverses manières d'être chrétien, souvent très différentes les unes des autres : martyrs et témoins de la foi, intellectuels, hommes et femmes d'action, mystiques, travailleurs et gens ordinaires qui surent être, à leur manière, des témoins du Christ et de l'Évangile.
On sait comment ces «modèles d'identification» sont particulièrement importants pour les jeunes dans leur processus de croissance (et ce, aussi bien au plan psycho-social qu'au plan religieux): il faut pouvoir s'identifier à certaines figures positives pour développer soi-même une identité positive. (Des figures comme celles de Martin Luther King, Gandhi, Desmond Tutu ou Lech Walesa, par exemple, ont considérablement aidé les Noirs américains, les peuples de l'Inde, les autochtones d'Afrique du Sud ou les Polonais, les uns et les autres victimes d'une longue oppression, à relever la tête et à revendiquer leurs place au soleil).
Ceci est tout aussi vrai dans le cas des gais et des lesbiennes: il est vital (aussi bien pour eux que pour la société dans laquelle ils évoluent) que la culture fasse place à des images positives de l'homosexualité (dans les médias, les arts, la vie publique, etc.).
De la même manière, il est indispensable que l'Église propose des modèles de croyants homosexuels dont l'existence même soit la preuve qu'il est possible d'être à la fois gai et chrétien. En d'autres termes, les gais et la communauté chrétienne dans son ensemble ont besoin de «saints gais».
Seigneur, je me charge de mes ennemis,
mais protège-moi de mes amis...
Les déclarations commes celle du cardinal Ratzinger (ou certaines encore plus fracassantes de groupes chrétiens conservateurs) ont au moins le mérite d'être claires: on sait à quoi s'en tenir à leur sujet... Il y a cependant d'autres discours, de la part de théologiens ou de moralistes, qui sont par certains côtés, - et paradoxalement - plus problématiques.
Pour diverses raisons (notamment le risque qu'a souvent représenté pour plusieurs le fait de s'afficher publiquement comme homosexuels), les gais ont souvent eu (et ont souvent encore), notamment dans l'Église, des «porte-parole» qui ne se définissaient pas eux-mêmes comme homosexuels (des prêtres ou des religieux,par exemple) mais qui ont pris leur défense à certains moments au sein de la communauté. Par ailleurs, un certain nombre de théologiens et de moralistes «ouverts», «progressistes» ou «libéraux» ont, dans leur réflexion, contribué à faire avancer la théologie et les mentalités par rapport à la réalité homosexuelle. Les gais doivent souvent une part importante de reconnaissance aux uns et aux autres.
Par certains côtés, cependant, une telle situation comporte des risques: aussi bien au plan de la théologie qu'à celui de la société et de la culture, il importe que ceux et celles qui travaillent pour transformer les choses soient les artisans et les leaders de leur propre libération. (On imagine mal des théologiens mâles comme principaux porte-parole des féministes chrétiennes ou des moralistes blancs dire aux Noirs d'Afrique du Sud ce qu'ils doivent faire par rapport à l'Apartheid... Que diraient les hétérosexuels si des théologiens homosexuels se mettaient à leur indiquer les voies d'une éthique de la sexualité?)
La risque est particulièrement grand lorsque ces théologiens sont eux-mêmes des homosexuels non avoués (alors que la «libération gaie» a largement privilégié le thème et la «stratégie» de la «sortie» (du come out ); ou, alors, comme c'est le cas en particulier pour le clergé catholique, s'il s'agit d'hommes qui doivent taire leur sexualité, ou dont la propre sexualité est tout au moins hors de cause, absente du discours - alors que c'est précisément là la question fondamentale en jeu.
Non seulement y a t-il là un risque de passer à côté de certains aspects fondamentaux de l'expérience gaie mais il en existe également un de gauchir et de fausser la réalité (même en toute bonne foi): tel théologien qui publie une recherche volumineuse sur la sexualité du clergé «oublie» par exemple de poser la question de l'orientation sexuelle des prêtres... Tel autre propose une importante recherche sur les chrétiens gais à partir d'interviews dont l'échatillonage ne retient bizarrement que des hopmosexuels mal dans leur peau... Tel autre, encore, insiste pour rappeler que, selon la morale chrétienne, toute sexualité comporte des «risques de faute graves» - mais, étrangement, il n'insiste là-dessus que lorsqu'il parle de la sexualité des homosexuels...
Autant les gais doivent se réjouir de voir d'autres personnes et d'autres secteurs de la communauté chrétienne s'ouvrir positivement à leur réalité, autant ils doivent demeurer les premiers artisans de la théologie et de la spiritualité de leur expérience.
L'homosexualité, entre la religion et la morale
Nous avons souvent tendance à confondre religion et morale (surtout peut-être dans une culture come la nôtre qui a souvent réduit l'expérience religieuse à un moralisme, spécialement en matière de sexualité). L'histoire du christianisme, comme celle d'autres grandes traditions religieuses de l'humanité, suggère plutôt de voir religion et morale comme deux réalités non seulement différentes mais, à la limite, aux antipodes l'une de l'autre (bien que les deux constituent des dimensions essentielles de l'expérience humaine).
La «religion» pourrait être définie comme l'ensemble des rapports que les humains entretiennent avec le sacré , ce qui tend à les arracher en somme aux limites de la condition humaine profane; ce qui les en fait décoller, comme on le dit de l'avion - ou de l' exstase... La «morale», par contraste - et comme à l'inverse - serait plutôt l'ensemble des règles que les humains se donnent - ou s'imposent! - afin de rendre à peu près habitable l'ici et maintenant. Au «buisson ardent» de la religion répondrait ainsi le «feu de circulation» de la morale...
Les choses assurément, ne sont pas aussi simples. On comprend par exemple que les morales, qui sont de visée profane - donc en elles-mêmes peu «enlevantes» -, et de construction humaine - donc fragiles - aient eu largement tendance à se coller pour ainsi dire sur les religions pour bénéficier du prestige du sacré. Mais il n'empêche que la visée qui distingue l'une et l'autre n'en demeure pas moins fondamentalement opposée: la morale tente de gérer la vie humaine dans le monde, la religion cherche pour sa part à l'élargir aux dimensions de l'infini.
On pourrait ainsi faire la proposition que l'homosexualité masculine contemporaine a été largement vécue, au cours des décennies récentes, sur le mode religieux - comme d'ailleurs, plus largement, la sexualité en général, mais de manière singulièrement paroxystique, voire «exemplaire» dans le cas de l'homosexualité gaie contemporaine. En d'autres termes, et pour prendre une image en forme de jeu de mots, tout semble s'être passé comme si le monde gai avait passionnément demandé au sexe à peu près exactement ce que d'autres époques avaient tout aussi passionnément attendu de la mystique, de l'extase liturgique ou de la prière: s'envoyer en l'air ...
Mais voici que l'on pourrait entrevoir aujourd'hui bien des signes d'un «re-moralisation» de l'expérience contemporaine de la sexualité et, en particulier, de celle du monde gai. On a évidemment souligné à cet égard le bousculant impact du SIDA. Rien, peut-être, n'illustre mieux cet impact que l'émergence du concept de safe sex - «sexe sans risque» qui marque vraisemblablement - et au moins provisoirement - le retour victorieux de la prudence - cette «vertu» qui a toujours été aux antipodes de l'expérience religieuse, mais qui demeure le fondement même de la morale .
L'importance de cette «ambiance morale» contemporaine est certes compréhensible et probablement nécessaire. Mais elle ne doit pas faire perdre de vue l'importance tout aussi considérable de la dimension proprement religieuse de l'expérience.
Récit [en forme d'histoire vécue...]
Un voyageur se retrouve pour un congrès quelconque dans une grande ville étrangère grise, froide et pluvieuse. Il est assez perdu, - même un peu désemparé: difficultés professionnelles, peine d'amour, ou juste, tout bêtement, le poids lancinant de la solitude... Il n'a pas follement envie d'aller «s'amuser» dans les boîtes ou «s'éclater» dans les discothèques... Voici qu'au hasard d'une pause-café, il lie conversation avec un garçon qui a aussi l'air de s'ennuyer un peu... Ils vont dîner ensemble, passent la soirée à causer de choses et d'autres. «Je vais rentrer à mon hôtel», fait à un moment l'étranger en regardant sa montre. «T'as envie de venir chez moi?» risque l'autre, avec un sourire.
Quelques semaines plus tard - ils se sont échangé leurs adresses -, le voyageur, rentré chez lui, reçoit quelques pages de son amant d'une nuit: «On n'a pas eu le temps de tout se dire mais, tu sais, moi aussi j'étais plutôt désemparé ce soir-là. On s'est pas conté d'histoires... C'était très bien. Merci d'avoir été mon ange gardien...»
La tradition, on le sait, fait remonter jusqu'à Sodome et Gomorrhe la malédiction planant sur l'homosexualité. Nous savons pourtant aujourd'hui que l'interprétation «homosexuelle» de ce vieux récit biblique est arrivée bien tard, au tournant de l'ère chrétienne: des intellectuels juifs vivant dans le monde grec dont les moeurs répugnaient à leur sensibilité (Philon d'Alexandrie et Flavius Josèphe) cherchèrent dans leur tradition (biblique) le pire symbole de dépravation qu'ils pouvaient y trouver et s'en servirent pour dénoncer cette «décadence» qu'ils voyaient autour d'eux (et qui, notamment, comportait des pratiques «homosexuelles»). Voilà comment fut «inventée» la «sodomie»...
Sodome avait certes très mauvaise réputation dans la Bible - mais cela n'avait, à l'origine, rien à voir avec un quelconque «crime» lié à l'«homosexualité». La ville avait par contre commis le pire «crime» du monde ancien: manquer d'hospitalité envers des étrangers (qui, en plus, étaient des anges envoyés par Dieu...) Jésus se fait encore l'écho de cette interprétation dans le Nouveau Testament au sujet des villes d'Israël qui refuseront de recevoir ses disciples ( «En vérité je vous le dis, au jour du jugement, le pays de Sodome et Gomorrhe sera traité avec moins de rigueur que ces villes...» [Mt 10:15]). De manière à la fois paradoxale et cruelle, c'est souvent au nom de ce vieux récit que le monde chrétien a, pendant des siècles, manqué d'hospitalité - c'est le moins qu'on puisse dire! - envers des hommes et des femmes dont l'orientation sexuelle n'était pas celle de la majorité. (Aujourd'hui encore, le Vatican incite les communautés chrétiennes à refuser aux groupes de chrétiens gais l'accès des églises et des édifices de l'Église...)
Les gais, à travers leur expérience, ont en revanche souvent appris que si le langage de la sexualité peut avoir diverses significations d'où l'ambiguïté n'est pas absente (il peut exprimer l'amour le plus fou aussi bien que l'égoïsme le plus cheap), il constitue parfois aussi, de manière très émouvante et très simple, une merveilleuse façon pour des anges transis de s'offrir mutuellement la chaleur humaine - et sacrée - de l'hospitalité.
Un des reproches souvent formulés à la sexualité gaie demeure bien sûr l'importance - «démesurée» - qu'elle accorderait à la poursuite effrénée du plaisir génital, au «fétichisme de la queue», pourait-on-dire, décroché de toute autre signification.
Et, de fait, il n'y a aucune raison que l'expérience gaie échappe aux risques de névrose qui menacent toute aventure humaine: les gais, comment tout le monde, ont la responsabilité d'humaniser leur expérience.
Sans nier cette exigence, il vaut cependant la peine de déplacer quelque peu la perspective et de situer même ces soi-disantes «obsessions» dans un contexte historique et civilisationnel plus vaste; de se rendre compte que l'expérience gaie contemporaine représente possiblement aussi, d'une certaine manière, un salutaire «retour de pendule» après des siècles de mépris chrétien de la chair et du plaisir - mépris qui n'avait rien lui non plus - soyons honnêtes - de très spécialement évangélique...
Il faut ainsi considérer même ces soi-disant «excès» dans la perspective d'une économie plus vaste de l'histoire chrétienne. On sait par exemple que la chasteté évangélique n'était pas une valeur spirituelle de l'Antiquité. Pour l'insérer dans la culture, il était sans doute inévitable que, dans l'Église des premiers siècles, même des «excès» se commettent en ce sens: on songe à certaines pratiques ascétiques extrêmement rigoureuses des «Pères du désert»; on songe également, et de manière encore plus troublante, à des gestes comme celui d'Origène, éminent théologien de son temps, qui se châtra littéralement lui-même au nom de la parole évangélique: «Heureux ceux qui deviennent eunuques pour le Royaume de Dieu»...
L'Église n'a bien sûr pas approuvé un tel geste, «canonisé» un tel «modèle». Mais elle ne l'a pas non plus vômi. Elle a tenté de comprendre.
Il arrive que ceux qui ouvrent de nouvelles pistes et explorent de nouveaux territoires s'égarent en chemin. On ne découvre pas d'Amériques sans naufrages...
Les gais, à maints égards, ont été des pionniers de la sexualité contemporaine. À ce titre, le christianisme leur doit peut-être beaucoup plus qu'il ne réalise encore. Ceux qui ont osé ce risque méritent peut-être - au moins - sa sympathie.
Dans une veine proche de ce qui vient d'être abordé, on a aussi souvent reproché à la sexualité gaie son caractère impersonnel, compulsif, anonyme, décroché de toute communication , centré sur la seule jouissance sexuelle.
Là encore, il faut voir d'une part que la société et le monde chrétien, par leur attitude concrète, n'ont souvent guère laissé d'autre choix aux gais bien que, d'autre part, l'expérience réelle des gais soit infiniment loin de se réduire à cette forme de sexualité (et comporte notamment des formes aussi complexes et aussi denses qu'on peut trouver dans l'expérience hétérosexuelle).
Il faut aussi avoir l'honnêteté de reconnaître que même cette sexualité soit-disant «impersonnelle» manifeste plus qu'exceptionnellement des qualités de réciprocité, de franchise, de respect et même d'affection qu'on ne retrouve même pas bien des mariages «légitimes»...
Ceci dit, il vaut la peine de ne pas évacuer trop vite cette sexualité soi-disant «impersonnelle» du monde gai qui réintroduit peut-être dans la culture (et, pourquoi pas, dans la spiritualité) occidentale un élément dionysiaque exclu depuis des siècles du christianisme par un coup de force qui n'a lui-même rien de particulièrement chrétien.
Dionysos: c'est-à-dire le dieu (grec) de la fête, de la passion, de l'émotion, de l'excès, de l'orgie, de la dépense. Non pas tellement de la communication, c'est vrai (celle-ci étant, dans la mythologie grecque, plutôt du ressort d'Apollon ou d'Hermès) mais davantage de la communion. Dionysos n'est pas une figure «intellectuelle»; il représente plutôt les sources vives de l'émotion et de la liberté. C'est le dieu dont l'enthousiasme brise la cuirasse des petits «moi» retranchés dans la bulle de leur métro-boulot-dodo; c'est le «Seigneur de la Danse», comme le Shiva de l'Inde. (rappelons-nous que Nietzsche disait qu'il ne saurait croire en un dieu qui ne saurait pas danser...) Dionysos se présente comme le dieu de l'«excès» par rapport à Apollon qui symbolise éminemment la «mesure», le «juste milieu», l'«équilibre», le «rien de trop».
L'Occident chrétien (notamment à travers sa tradition cléricale) a largement pensé son Dieu sous la figure mesurée d'Apollon, envoyant - littéralement![6] - Dionysos au Diable... On oublie pourtant que la sainteté relève le plus souvent de l'excès dionysiaque que de la mesure apollinienne. (François d'Assise, Thérèse d'Avila, Vincent de Paul n'avaient rien de la «mesure» apollinienne mais tout de la «démesure» dionysiaque. Ce serait plutôt les couloirs feutrés des Curies qu'aurait tendance à fréquenter Apollon...)
Ce faisant, la chrétienté occidentale «officielle» (puisque le christianime populaire, lui, ne l'a jamais complètement perdu de vue[7]) a peut-être oublié que David - comme Zorba! - avait dansé devant l'Arche d'Alliance. Et que David était vraiment un homme «selon le coeur de Dieu»... Dire qu'il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime n'est pas une idée apollinienne. Seul Dionysos peut avoir la folie d'une telle générosité.
Ce que l'expérience gaie contemporaine laisse en vérité entrevoir, par ses «excès» mêmes, c'est une possibilité dionysiaque du christianisme laissée pour compte et combattue pendant des siècles.
Les traditions amérindiennes contiennent dans leur mythologie, une étonnante figure qui, bien qu'étrangère à la tradition chrétienne, pourrait néanmoins enrichir la compréhension théologique de l'expérience gaie contemporaine: il s'agit du mythe[8] du Trickster[9] notamment étudié par l'anthropologue Paul Radin dans la mythologie des Indiens winnebago. (Ce mythe rejoint d'ailleurs à certains égards le thème de l'«excès» abordé précédemment).
Vestige, selon Radin, d'un passé archaïque de l'humanité où la démarcation entre l'humain, l'animal et le divin n'était pas encore tout à fait nette, le mythe ne fait pas du Trickster un «héros parfait». Celui-ci est au contraire beaucoup plus complexe. À la fois généreux et mesquin, constructif et destructeur, rusé et roulé, le Trickster agit de manière tout à fait pulsionnelle, sans référence à des «valeurs morales» - que ses actions finissent pourtant souvent par engendrer. Il passe son temps à jouer des tours[10]. Personnage toujours changeant, il s'agit en fait d'une créature encore inachevée ; les traits de son visage sont flous, de même que ses proportions corporelles ou ses rapports avec les différentes parties de son anatomie. Autre aspect fluctuant du personnage: le Trickster est une figure au sexe indéterminé, interchangeable. Ses potentialités androgynes, si elles servent souvent ses desseins libidineux, lui valent aussi, à l'occasion, pas mal d'ennuis...
Il est spécialement frappant de voir la place qu'occupent dans les préoccupations et les péripéties du Trickster ses organes sexuels en général et son pénis en particulier. Ce qui caractérise le Trickster, c'est justement la possibilité d'être représenté par son - démesurément long - phallus (qu'il peut aussi envoyer tout seul, indépendamment de lui, baiser à droite et à gauche...)
C'est, dans la version winnebago du mythe, un écureuil qui apprendra au Trickster à porter «correctement» ses organes génitaux - et qui, une fois le pénis fixé une fois pour toutes au «bon» endroit, le grignotera jusqu'à lui donner des proportions «normales» et «raisonnables». On reconnaît bien sûr là, sous une forme mythique, le passage d'une exubérance et d'une confusion typiquement dionysiaques à une situation tout empreinte de «mesure» apollinienne.
Inutile d'insister sur l'intérêt d'un tel mythe pour une lecture de l'homosexualité gaie dans la culture actuelle. Ce «mythe» du Trickster apparaît bien lui aussi comme un mythe de création, un mythe d'émergence de l'humanité en marche, saisie à diverses phases d'un long, laborieux et toujours problématique itinéraire. N'est-ce pas, à maints égards, au récit d'une telle émergence que nous convie l'expérience gaie contemporaine?
Beauté, jeunesse, séduction éternelle... Combien de gais n'ont-ils pas secrètement envié le troublant héros de la fable d'Oscar Wilde et son «pacte avec le Diable» qui lui permettait de transférer sur son portrait à l'huile tous les outrages du temps et toute trace de laideur?
Fétichisme de la beauté, culte du corps, narcissisme, incapacité de dépasser la surface de l'épiderme... Encore autant de reproches qu'on continue de formuler à l'endroit de l'expérience de bien des gais. Ici encore, il convient de faire la part des choses: tout cela n'est certes pas faux mais tout cela n'est pas propre à l'expérience gaie. (Et la meilleure façon d'encourager les gais à se libérer de l'obsession narcissique qui les menace eux aussi n'est sûrement pas de faire comme si cette tentation leur était spécifique...)
En revanche, cette accentuation de l'imaginaire gai a peut-être le mérite et l'intérêt de réintroduire dans la théologie et la spiritualité chrétiennes la question de la beauté et de son sens. Des siècles d'ascétisme et d'intellectualisme chrétiens l'ont largement évacuée, l'abandonnant pour ainsi dire (et pas toujours sans mépris) aux seuls «artistes» (et, parmi eux, à plusieurs qui manifestèrent par ce biais - ou cette ruse! - leurs sensibilités esthétiques/érotiques homosexuelles: pensons au célèbre thème de saint Sébastien si présent dans l'iconographie chrétienne à travers les siècles, et si souvent prétexte à une célébration du corps masculin.)
Prêtres ou prophètes?
Les gais et les «ministères»
Dans plusieurs Églises chrétiennes se pose, depuis quelques années, la question de l'accès des gais (et des lesbiennes) aux différentes formes de ministère (dans le clergé, certes, mais plus largement encore puisque de plus en plus de ces ministères, de ces «services» de l'Église sont assumés par des laïcs). La question interpelle évidemment la capacité d'accueil, d'ouverture et de changement des communautés chrétiennes. Elle se pose d'une manière particulière dans l'Église catholique où plusieurs ministères requièrent encore le célibat et sont de ce fait inaccessibles même aux hétérosexuels pratiquant leur sexualité.
Cette question se pose de manière concrète, difficile et souvent déchirante pour bien des gais - mais elle n'est pas sans analogie avec celle qui se pose à eux par rapport à d'autres engagements analogues dans la société (en politique, par exemple): faut-il à tout prix affirmer publiquement son orientation sexuelle, même au risque de se fermer la porte de tel ou tel ministère, ou vaut-il mieux faire des compromis avec l'institution, de manière à pouvoir contribuer à la transformer «de l'intérieur»? Mais, dans ce cas, n'y a-t-il pas contradiction et même risque? Peut-on vraiment travailler à aider des gens à se libérer en renonçant soi-même à sa propre libération, en se castrant même, à la limite, de son propre désir?
La question n'est pas théorique - et elle n'est pas simple. Chacun, ultimement, est responsable de ses choix. Et la tradition chrétienne rappelle constamment que si Dieu a voulu «avoir besoin des hommes», il agit néanmoins de manière souvent mystérieuse, et sa grâce se déploie même dans nos faiblesses et nos limites. (Bernanos le suggère de manière saisissante à la fin de son Journal d'un curé de campagne où l'on voit le jeune prêtre «donner Dieu» à d'autres bien qu'il ait le sentiment d'avoir lui-même «les mains vides»...)
Ceci dit, on peut se demander (et cela rejoindrait de quelque manière le thème de l'hagiographie gaie abordé plus haut) si, d'un point de vue chrétien, le premier «ministère» que des gais peuvent assumer avec fécondité, le principal service qu'ils sont appelés (y compris même au sens d'une «vocation») à rendre à la communauté chrétienne (et, à travers elle, à l'ensemble de la communauté humaine) n'est pas d'être, en tant que gais, avec leur désir et leur orientation sexuelle, leur sensibilité et leur expérience, leur courage et leurs peurs, leurs mains et leurs bouche, leur coeur et leur sexe, des ministres de l'amour de Dieu.
La théologie gaie,
entre l'essentialisme et le constructivisme
Si l'homosexualité est de moins en moins considérée de nos jours comme une «maladie» et de plus en plus comme une forme possible (et «normale») d'orientation sexuelle, d'autres questionnements surgissent aujourd'hui dans les sciences humaines à propos de cette «orientation sexuelle» et des formes qu'elle prend dans la société, à travers l'histoire et la diversité des cultures humaines.
Deux écoles s'affrontent principalement à cet égard: une approche généralement dite essentialiste, qui considère l'orientation homosexuelle comme une constante de l'humanité, comme quelque chose qui a toujours existé à travers l'histoire (bien qu'ayant souvent été réprimé) et qui existe dans toutes les cultures, sous une forme ou une autre; une approche constructiviste qui insiste plutôt sur le fait que l'«homosexualité» telle que nous la connaissons aujourd'hui en Occident est une réalité relativement récente et propre à cette culture, qu'elle n'a rien en commun, à la limite, avec des phénomènes du passé (la «pédérastie» grecque, par exemple) ou d'autres cultures (les «berdaches» amérindiens, les pratiques sexuelles que des hommes peuvent avoir entre eux dans des cultures non-occidentales) ou même dans notre propre culture (on pense par exemple à ces hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes dans certains contextes particuliers - en prison, notamment - sans pour autant se penser le moins du monde comme «homosexuels» ou comme «gais»).
Il ne revient évidemment pas à la théologie comme telle de trancher un tel débat - qui est peut-être d'ailleurs inutilement polémique: on peut en effet parfaitement admettre que des expériences sexuelles (et affectives) entre partenaires du même sexe aient des significations socio-psycho-culturelles extrêmement différentes (par exemple, que la pédérastie grecque ou l'homosexualité méditerranéenne n'a pas grand chose en commun avec l'homosexualité gaie contemporaine) et, en même temps, être sensible à l'universalité des relations désirantes entre partenaires du même sexe (on peut comprendre la pédérastie grecque et même vibrer à ses valeurs même dans une culture comme la nôtre où les codes de comportement sont complètement différents).
On peut en outre penser que le caractère fondamentalement herméneutique de la théologie (qui, comme on l'a vu au début, est obligée de traduire constamment pour aujourd'hui des significations venues d'autres époques et d'autres cultures) pourrait même fournir une façon de dépasser ce faux dilemme de l'essentialisme et du constructivisme. Ainsi, par exemple, une théologie de la libération gaie peut être sensible à l'oppression qui, pendant des siècles et sous toutes sortes de formes, a marginalisé et violenté la possibilité de relations affectives et sexuelles entre partenaires du même sexe. Mais elle est également à même de faire voir, justement, que le contexte socio-culturel qui pouvait expliquer l'attitude négative de la Bible (ou de l'Église) à l'égard de tel ou tel comportement «homosexuel» n'est plus du tout le nôtre, et que ces attitudes ne peuvent dès lors plus être reproduites automatiquement, qu'elles ont besoin d'être repensées à la lumière d'autres contextes.
L'«insoutenable
légèreté» de l'être-gai
ou: encore une fois, les clowns...
De Sodome à l'Exode, s'inspirant de quelques réflexions contemporaines, proposait la figure du clown comme l'un des sens - théologiques - possibles de l'homosexualité dans la société et la culture. Là-dessus, comme sur tout le reste, il faut évidemment se garder de réduire à cette figure la totalité de l'expérience gaie - qui est infiniment plus riche et complexe. (C'est un fait, en tout cas, que bien des gais n'ont vraiment pas grand chose du clown!)
Le clown: c'est-à-dire le mime par excellence de la société, celui qui, tout en étant dans la société, n'en demeure pas moins en marge de celle-ci et, par la moquerie ou la caricature, remet sans cesse en question l'«esprit de sérieux» de cette société et ses prétentions à vouloir absolutiser les choses. Le Moyen Age chrétien faisait aux clowns, aux bouffons une place importante - jusqu'à la cour des rois qui en entretenaient dans leur entourage. La civilisation bourgeoise les a confinés à l'espace du cirque et nous avons fini par en faire de simples «amuseurs» - souvent d'ailleurs plus pathétiques qu'autre chose...
Il est bien certain que le fait d'être gai ne fait pas automatiquement d'un individu un «clown»: et bien des actions du mouvement gai ont plutôt eu pour objectif et pour effet - pour le meilleur et pour le pire! - d'aller à l'encontre de certains aspects «clownesques» de la culture homosexuelle traditionnelle (le camp, par exemple)[11], d'intégrer l'homosexualité dans la société, voire de la rendre socialement «respectable».
Mais c'est un fait que, dans la mesure où elle demeure minoritaire, où elle heurte encore les sensibilités et les évidences de plusieurs (notamment autour de la «définition» de ce qu'est un homme, une femme), l'existence gaie, volontairement ou non, consciemment ou non, est sans doute plus que d'autres susceptible de revêtir ce rôle ou cette fonction du clown. Cela, d'ailleurs, bien des gais le pressentent et l'assument.
Nous sommes loin, en ces années quatre-vingt, des «radical sixties» marquées par l'exubérance des hippies et des «enfants des fleurs». Notre époque est à maints égards devenue sérieuse, grave, austère. Elle s'échappe davantage dans l'évasion solitaire de la drogue que dans l'exubérance spectaculaire des clowns. La société et la communauté chrétienne ont peut-être besoin de redécouvrir la signification - civilisationnelle et spirituelle - du clown et de son extravagance troublante, sa contestation moqueuse de la vanité du monde et de ses absolus.
«Tu ne coucheras pas avec un homme
comme on couche avec une femme:
ce serait une abomination...» (Lévitique 18:22)
S'il y a deux choses que la plupart des gais savent, c'est que 1º coucher avec un homme, ce n'est pas forcément si abominable que ça! et que, 2º en tout état de cause, ce n'est pas tout à fait non plus comme coucher avec une femme... On pourrait ainsi être tenté de rejeter d'un revers de la main - ou d'une telle boutade! - cette vieille condamnation biblique qui, dans la tradition judéo-chrétienne, pèse depuis près de trois millénaires sur les relations sexuelles entre hommes.
Ce n'est bien sûr pas si simple et, malheureusement, il faut voir que bien des gais ont profondément intériorisé cette perception et se dégoûtent eux-mêmes de ce qu'ils font et de ce qu'ils sont.
Il est fascinant de voir tant de discours chrétiens se référer encore à cette vieille condamnation biblique des relations sexuelles entre partenaires du même sexe en «oubliant» que le même texte, trois lignes plus haut ou deux paragraphes plus loin, considère come tout aussi «abominable» le fait de manger du porc, du lièvre ou des crevettes, d'approcher une femme menstruée, de porter des vêtements confectionnés de tissus différents ou de semer des carottes et des radis dans le même potager...
Nous savons mieux aujourd'hui que toutes ces prescriptions et interdictions de la Bible (mais il en existe de semblables dans toutes les cultures) avaient d'abord et essentiellement pour but de préserver l'identité de la tradition d'Israël par rapport à ses puissants voisins. (Au Québec, à l'heure actuelle, afficher en anglais est un geste lourdement chargé de sens politique - en plus d'être une infraction à la loi! Dans bien d'autres pays - y compris même en France! - c'est une chose au contraire assez banale, qui va de soi... Dans la société québécoise des années cinquante, il était interdit aux catholiques de fréquenter les YMCA ou les «clubs sociaux» non confessionnels (comme le Kiwanis ou le Rotary) tellement on avait peur de la «contamination» des moeurs anglo-protestantes! On peut en rire aujourd'hui: ce n'était pas le cas il y a moins de quarante ans...)
Le thème de l'abomination, de la souillure, de l'impureté a été beaucoup étudié par l'anthropologie des religions. On comprend mieux aujourd'hui que l'idée de souillure (qu'on retrouve dans cette interdiction biblique) n'est pas d'abord une idée morale mais essentiellement une idée d'ordre : autrement dit, «une place pour chaque chose, et chaque chose à sa place»... Sinon, c'est le «mélange», la «confusion», le désordre. Ce qui nous agace - et peut même nous angoisser - dans le désordre, c'est que l'on y perd ses points de repère. Étrangement, à cet égard, l'homosexualité dérangeait peut-être moins lorsque la seule manière d'être homosexuel c'était pratiquement à l'image des travestis du théâtre de Tremblay ou des «Folles» de La Cage ... Là, au moins, les gens «normaux» étaient rassurés: il y avait «eux» et «nous»... À partir du moment où des gais revendiquent de pouvoir être homosexuels tout en «ressemblant à tout le monde», pour ainsi dire, l'angoisse risque de resurgir dans la culture: si les gais ressemblent à n'importe qui, comment serons-nous sûrs que nous ne le sommes pas nous-mêmes!
Ces réflexes d'ordre sont très forts dans l'humanité - bien qu'aucun ordre particulier ne soit immuable. Tout changement d'ordre requiert généralement passablement de temps et d'énergie. Les gais, comme bien d'autres groupes «progressistes» qui ont voulu contester l'ordre traditionnel des choses, ont peut-être été en partie naïfs de penser qu'il «n'y avait rien là». Il y a au contraire là quelque chose de très fort, qu'on ne peut pas sousestimer.
Tout cela, pourtant, n'a pas grand chose à voir avec l'Évangile... Ou plutôt, oui: Jésus aussi dérageait l'ordre de son temps, notamment en se mêlant aux gens «impurs» de son époque (femmes adultères, collaborateurs des Romains, groupes religieux marginaux d'Israël, etc.). Et une partie fondamentale de son enseignement a précisément consisté à révolutioner le sens même de cette «pureté»:
«Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche de l'homme qui est impur, c'est ce qui en sort (...) ce qui sort de la bouche provient du coeur, et c'est cela qui rend l'homme impur...» (Mt 15: 11.18)
On sait que plusieurs ne lui ont pas pardonné cette «révolution»...
C'est peut-être là, à vrai dire, l'une des choses importantes que l'Évangile peut dire aux gais: attention, si vous voulez bousculer l'ordre du monde, attendez-vous à ce qu'il y ait possiblement la croix en chemin.
Mais ça vaut le coup.
L'épître inachevée:
Jean, Paul - ou Jean-Paul? - aux hommes et aux
femmes en quête d'une éthique et d'une
spiritualité de la sexualité
Disons-le sans détour, et au risque d'étonner: l'éthique et la spiritualité évangéliques de la sexualité restent largement à élaborer. Qu'est-ce à dire?
Les premiers chrétiens, dans les années qui suivirent immédiatement la prédication, la mort et la résurrection du Christ, comprirent du message de Jésus que celui-ci allait bientôt revenir, glorieux, pour établir sur terre le règne de Dieu. Rien ne serait plus comme avant: il n'y aurait plus de misère, de guerre, d'injustice, de mort. Les rapports humains seraient profondément changés: on ne prendrait plus mari ou femme, et on ne mettrait plus d'enfants au monde. On serait un peu devenu «comme des anges»... (Ceci explique d'ailleurs dans une large mesure que les Évangiles, c'est-à-dire ce que la tradition chrétienne la plus ancienne a retenu et transmis de la prédication de Jésus, ne mentionnent finalement à peu près rien en matière de sexualité: bientôt, l'existence ne se poserait plus en ces termes...)
Cette attente enthousiaste et prochaine de la «fin» du monde était si forte que les chefs de la communauté durent souvent rappeler à l'ordre plusieurs chrétiens qui... se contentaient de se croiser les bras en attendant «le grand jour»...
Et puis, avec les années, les premières communautés durent bien se rendre à l'évidence que ce n'était pas tout à fait comme ça que les choses semblaient se passer; que le Christ allait certes revenir, un jour, mais que nul ne savait quand ni comment, et qu'en attendant, il fallait relever ses manches en essayant de vivre le mieux possible, de préparer le mieux possible ce retour glorieux du Christ. Ce qui, bien entendu, voulait dire prendre des décisons concrètes par rapport à toutes sortes de situations concrètes: par rapport à l'argent, au travail, au pouvoir, à la guerre, à la loi. À la sexualité...
Les leaders et les penseurs de ces premières communautés, qui avaient ainsi pas mal de chats à fouetter en même temps (y compris vivre dans le contexte des persécutions romaines qui ne tardèrent pas à s'abattre sur les premiers chrétiens), firent ce que probablement n'importe qui aurait fait à leur place: ce qu'ils purent...
Les chrétiens d'origine juive furent bien entendu tentés d'aller puiser dans leur propre traditon biblique la vigoureuse théologie de la sexualité qu'on pouvait de fait y trouver: celle-ci était centrée sur le mariage et la fécondité comme signe d'une existence conforme à la volonté de Dieu et porteuse de sa bénédiction.
N'oublions pas en outre que, pour le monde biblique, la croyance en une survie personnelle après la mort ne se développa que très tard. Jésus lui-même a des échanges tumultueux avec certains milieux de son peuple qui n'y souscrivent pas encore (les Sadducéens, notamment). Pour les hommes et les femmes de l'Ancien Testament, on survit essentiellement à travers sa postérité. La plus grande malédiction consiste dès lors à mourir sans enfants. On disparaît alors totalement de l'histoire... Pour cette raison, toute sexualité volontairement non féconde a bien entendu tendance à être considérée comme quelque chose d'insensé et même de blasphématoire...[12]
Les chrétiens d'origine vivant dans le monde grec, pour leur part, se laissèrent largement séduire par des réflexions philosophiques qui avaient cours à l'époque et qui tranchaient, par leur élévation morale, sur la mollesse, la décadence et la cruauté du temps: le stoïcisme, notamment, qui proposait une éthique fondée sur les exigences de la Raison: était moralement bon ce qui se conformait aux exigences de cette raison, mal ce qui s'en écartait. Par rapport à la sexualité, cette philosophie avait une attitude assez restrictive: seule était conforme à la raison une sexualité destinée à la procréation...
Nous avons là, en germe, les deux sources principales de l'éthique (et de la spiritualité) chrétienne de la sexualité, qui survécut pendant des siècles, - à vrai dire jusqu'à nous. Nul ne saurait considérer en elle-même cette éthique comme pure aberration (bien qu'il s'en soit commis un grand nombre en son nom). En revanche, force est de reconnaître qu'elle n'a, en elle-même, rien de très spécialement chrétien... Mais surtout qu'elle passe à côté d'un certain nombre d'intuitions fondamentales de l'Évangile, qui tranchent assez radicalement aussi bien avec la théologie de l'Ancien Testament qu'avec la morale du monde grec.
Avec le christianisme, en effet, ce n'est plus, comme aux temps bibliques, par l'appartenance au peuple («élu») d'Israël que passe le «salut» mais par le Christ, qui ouvre à tous la voie vers Dieu («Il n'y a plus ni Juif, ni Grec...» dira significativement saint Paul). Semblablement, ce n'est plus en soi le mariage ou la procréation qui constituent le chemin privilégié d'une existence conforme à la volonté de Dieu: c'est le Christ qui est désormais le Chemin.
À cet égard, les Actes des Apôtres, récit de l'Église primitive, offrent un indice fascinant, et trop souvent passé inaperçu: c'est un non-juif et en plus un eunuque qui, après la Pentecôte, devient le premier baptisé dans l'Église. Un eunuque: c'est-à-dire un homme dont la condition physique (et sexuelle) était considérée comme une malédiction par la Bible et qui, précisément de ce fait, était exclu de l'«Église» de l'Ancien Testament. Le message est on ne peut plus clair. Avec le Christ, tout cela vole en éclat: le salut est désormais offert à tous, sans distinction, dès lors que l'on accepte de conformer son existence à la parole du Christ. En l'absence d'indication précises dans les textes évangéliques eux-mêmes relativement à la sexualité, c'est de l'ensemble du message de Jésus et des grandes valeurs qui s'en dégagent (justice, respect de l'autre, réciprocité, don de soi) qu'il nous faut dès lors «déduire», interpréter les contenus d'une éthique et d'une spiritualité de la sexualité pour notre temps, à laquelle les gais peuvent apporter une contribution précieuse - et unique.
L'Église - au moins depuis le Concile! - admet plus volontiers que les cultures et les traditions non-chrétiennes de l'humanité ne sont pas forcément toutes l'oeuvre du Diable ou un tissu d'aberrations barbares... Seule une bien grande myopie a d'ailleurs permis d'entretenir de tels préjugés: l'Église a constamment emprunté aux «autres» (aux «païens») toutes sortes de traditions (la fête de Noël, par exemple, ou l'institution du «souverain pontificat»[13]!) ou d'outils intellectuels (comme la philosophie - païenne! - d'Aristote qu'utilisa saint Thomas d'Aquin) pour vivre et penser sa foi. (Ainsi, et encore par exemple, des chrétiens tentent aujourd'hui de dire la foi chrétienne non plus seulement dans les cadres intellectuels et spirituels de l'Occident mais aussi dans ceux de l'Orient et de ses grandes traditions (comme l'hindouisme ou le bouddhisme).
Mais on peut aussi penser que la théologie contemporaine de l'expérience homosexuelle sera nécessaiement plurielle, dans la mesure où elle devra prendre en compte l'expérience différente d'hommes et de femmes porteurs d'un désir «homosexuel»: certains d'entre eux (et c'était particulièrement le cas dans les débuts du mouvement gai) ont largement centré leur vie (et leur lutte) sur leur identité homosexuelle tandis que d'autres...
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1 Préface de G. Baum. Montréal, L'Aurore/Univers, 1980. [2e édition (avec une nouvelle introduction) Guy Saint-Jean, éditeur, 1983.] | retour au texte |
2 On peut néanmoins signaler certains ouvrages importants comme l'étude de J. Boswell... de même que certaines études de théologiens «libéraux» et relativement «ouverts» à une attitude positive envers l'homosexualité. | retour au texte |
3 «Il y a un temps pour embrasser, et un temps pour
s'abstenir d'embrasser...» Qohélet
(L'Ecclésiaste)...
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4 Euphémisme pour désigner les poppers, substance «aphrodisiaque» surtout associée aux pratiques sexuelles du monde gai - et dont la vente pour usages «récréatifs» est aujourd'hui illégale, en raison de son association aux pratiques «à risque» du point de vue du sida. | retour au texte |
5 Plusieurs groupes ou mouvements de «chrétiens gais», par exemple, semblent ne proposer aux gais que des modèles de vie chrétienne plus ou moins calqués sur le mariage chrétien traditionnel. Il se peut que l'expérience gaie puisse tout à la fois requérir - et offrir - d'autres «modèles» de spiritualité et d'éthique chrétiennes de la sexualité et de l'amour. | retour au texte |
6 Elle a effectivement donné au Diable, dans les représentations populaires, plusieurs traits et attributs traditionnels de Dionysos - les cornes, par exemple... | retour au texte |
7 On peut en particulier songer ici à la tradition des «carnavals» et des «fêtes des fous» qui s'est maintenue vivante à travers les siècles de chrétienté, bien qu'elle ait souvent été méprisée, condamnée et réprimée par l'Église «des clercs». | retour au texte |
8 Le terme «mythe» dans le langage courant, a un sens assez péjoratif: il signifie le plus souvent une histoire abracadabrante - ou simplement une fausse explication des choses. Dans le domaine de l'étude de la religion, ce terme a un sens beaucoup plus large et positif: il signifie au fond un récit donnant le sens le plus fondamental de l'existence. Pour les chrétiens, par exemple, la Genèse est, en ce sens, le mythe fondateur de la foi au Dieu créateur de l'univers, qui veut le bien de celui-ci. | retour au texte |
9 C'est le terme - anglais - consacré par l'anthropologie religieuse. On pourrait le rendre par «jouer de tours», «ratoureux»... | retour au texte |
10 L'anglais permet ici un assez intéressant jeu de mots. Tricks : le terme, en effet, sert à désigner l'évènement (ou le partenaire) d'une «aventure sexuelle d'un soir», - pratique qui, tout au moins dans l'imaginaire de la culture, a pu paraître assez typique d'un certain «style de vie» gai contemporain... De fait, le Trickster joue beaucoup de «tricks» de ce genre... | retour au texte |
11 On peut bien sûr penser à cette «culture homosexuelle traditionnelle» flamboyante et souvent travestie qu'on trouve par exemple dans le théâtre de Michel Tremblay. | retour au texte |
12 Étant donné cette importance centrale de la relation hétérosexuelle procréatrice dans la théologie de l'Ancien Testament, on pourrait être porté à conclure que cette tradition est difficilement compatible avec une acceptation positive de la réalité homosexuelle. Cette question mériterait d'être approfondie davantage, et dans une perspective plus large, à partir des exigences fondamentalement herméneutiques de la théologie. Ainsi, par exemple, le fait est qu'une grande partie de la foi d'Israël se fonde également sur l'expérience - et sur la mémoire de l'expérience - de l'Exode, de la libération d'Égypte. C'est au nom de ce qu'Il a fait pour lui que le Dieu de la Bible demande à son peuple de suivre ses voies. «Prends soin de la veuve et de l'orphelin, est-il ainsi solennellement proclamé dans le Deutéronome, accueille et aime l'étranger comme un frère»... Non pas en vertu de quelque «mérite» particulier de la veuve, de l'oprphelin ou de l'«étranger», mais «parce que vous avez été des étrangers en Égypte, et moi, votre Dieu, je vous en ai libérés». Si vous voulez vivre selon mes lois, alors, trouvez vos «étrangers» et accueillez-les comme des frères... Il y a vraisemblablement là des pistes en vue d'une réinterprétation de la théologie biblique par rapport à la condition gaie. | retour au texte |
13 Titre d'abord porté par les empereurs romains païens... | retour au texte |
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