S'il est un domaine où l'impact de la technique -- et des «nouvelles technologies» -- apparaît aussi déterminant qu'il peut sembler inattendu, c'est bien celui des rapports que nos contemporains entretiennent avec l'expérience du sacré. On peut faire l'hypothèse que l'histoire de la technique -- et de la symbolique qui lui a été associée -- a été celle d'un long glissement entre les deux «pôles» du sacré: si les techniques sont apparues, dès l'aube de l'histoire, sous la forme de puissances dangereuses et sous le signe d'un sacré de transgression, notre modernité (enracinée dans l'Occident médiéval) a vu émerger un tout autre type d'univers symbolique dans lequel la technique est, à l'inverse, devenue le symbole efficace d'un nouvel ordre sacré du monde. À notre époque, cette symbolique s'enracine par ailleurs dans le système technique lui-même. C'est à l'intérieur du champ technique que s'opère ainsi un double mouvement de désacralisation et de resacralisation que tente de rendre le concept de dissacralisation : sans cesse, toute une partie du champ technique est rendue à la profanité, vidée de sa dimension sacrée, tandis qu'une autre région de ce champ, notamment occupée par les «nouvelles» technologies, se voit puissamment resacralisée. Ce schème semble par ailleurs se disséminer dans l'ensemble de la culture en ce qui apparaît véritablement comme un nouvel éthos -- au sens weberien du terme.
L'apparition, au cours des dernières décennies, de ce qu'il est convenu d'appeler les «nouvelles technologies» (on songe en particulier à l'informatique et à l'intelligence artificielle, à la robotique, à la télématique et aux biotechnologies) bouscule à maints égards déjà notre environnement et risque de marquer encore plus décisivement dans l'avenir le paysage de notre existence. Des études se sont multipliées, qui tentent de mesurer, de comprendre, voire d'«évaluer socialement» l'«impact» de ces mutations technologiques.
S'il est un domaine où cet «impact» de la technique apparaît aussi déterminant qu'il peut sembler à première vue inattendu, c'est bien celui des rapports que les humains -- et, de manière plus précise, nos contemporains -- entretiennent avec l'expérience du sacré. Et cependant, on peut bel et bien faire l'hypothèse [1] que l'histoire de la technique -- ou plus exactement sans doute celle de la symbolique qui lui a été associée -- a été celle d'un long glissement entre ce que, pour reprendre les concepts de R. Caillois (1950) [2], on pourrait appeler les deux «pôles du sacré».
Si les techniques sont en effet apparues, dès l'aube de l'histoire, sous la forme de puissances dangereuses toutes prégnantes du symbolisme d'un sacré de transgression [3], notre modernité, en particulier depuis la «Révolution industrielle», a vu émerger un tout autre type d'univers symbolique dans lequel la technique est, à l'inverse, devenue le symbole même d'un nouvel ordre sacré du monde, porteuse de la promesse d'un nouvel «âge d'or».
La technique semble effectivement apparaître, à l'aube des civilisations humaines, comme une puissance éminemment dangereuse, lourde de tout un sacré de transgression. L'outil, objet technique, donne à l'être humain un sentiment de puissance. Mais c'est essentiellement au prix d'une profanation du monde, -- au sens d'ailleurs premier du terme: c'est en effet par la technique, par l'outil, que l'humanité constitue précisément l'espace profane comme séparé de l'ordre sacré du cosmos.
Pourtant, l'objet technique est ambivalent: il est aussi ce qui permet de «revenir» à ce «sacré» dont l'humanité semble toujours conserver la «nostalgie». C'est cet objet technique qui, entre autres choses, permet d'obtenir, de capter des puissances sur-humaines grâce auxquelles il devient précisément possible de dépasser les limites de la condition humaine profane. (La flèche permet non seulement de terrasser -- quasi miraculeusement -- le grand fauve, mais elle permet aussi d'entrer en communion -- mystique -- avec lui, de capter les puissances extra-humaines, sacrées qu'il possède, de se les approprier. Lancée vers le ciel par le chaman, elle permet symboliquement, c'est-à-dire par le «moyen» du symbole, de l'escalader.) D'où, on le comprendra sans peine, un élément également fondamental de crainte lié à la technique primitive, c'est-à-dire, plus exactement, à la transgression et à la puissance que celle-ci met en jeu.)
Ceci explique vraisemblablement que la technique, dans ce premier univers symbolique de l'humanité, soit très étroitement codée dans des mythes qui en déterminent le bon usage et en fixent les limites, qui empêchent concrètement ces techniques de se développer au-delà d'un certain seuil. Un peu comme P. Clastres (1974) [4] a pu suggérer que les sociétés primitives luttaient contre un avènement de l'État qu'elles pressentaient néanmoins comme un horizon possible de leur devenir, de la même manière, on pourrait dire que les premières civilisations humaines empêchent les techniques de se développer de manière autonome, c'est-à-dire de manière uniquement «instrumentale» et purement «profane», en les codant dans un paradigme sacré: facteur originaire de désordre et de trangression, la technique peut, de cette manière, devenir cela même qui permet de retrouver le contact avec les puissances sacrées du cosmos.
Avec l'émergence de la civilisation grecque, c'est un tout autre univers symbolique de la technique qui se met lentement en place. La technique n'y apparaît plus comme codée par le monde des dieux. Pour la première fois sans doute, elle apparaît même comme quelque chose de purement profane, c'est-à-dire , comme une activité essentiellement instrumentale, fonctionnelle -- et, de ce fait, largement dévalorisée --, dont la technique oratoire des Sophistes (Platon nous a largement communiqué son hautain mépris à leur endroit!) pourrait constituer le paradigme: la technique joue en effet avec les choses, en vue d'une fin, un peu comme les Sophistes jouent avec les mots, avec les arguments, en vue de plaider une cause -- sans se soucier, pourrait-on dire, du dévoilement de la vérité dont les choses ne sont finalement que de pâles et imparfaits reflets.
Malgré cela, la technique grecque -- et on a d'ailleurs souvent parlé de «blocage» à son endroit -- ne cherche pas vraiment à se développer dans un but utilitaire, à exploiter la nature, par exemple, à la conquérir en vue de la dominer. Elle se contente plutôt de jouer avec la nature, de ruser avec elle, de s'y adapter. Les Grecs, par exemple, ne cherchent pas vraiment à appliquer leurs techniques au domaine du travail, de la productivité. Non pas par manque de connaissances, ou même du seul fait -- l'argument est connu mais bien sûr discutable et réversible -- que l'institution de l'esclavage aurait rendu cette application inutile.
Les Grecs, à notre étonnement moderne et productiviste, ont souvent préféré dresser les plans de machines compliquées mais sans se donner la peine de les fabriquer. Ou, alors, construire des thaumata, «machines merveilleuses», et merveilleusement inutiles, dont la fonction semble bien avoir été essentiellement de réenchanter le monde (en actionnant des fontaines, par exemple, ou en faisant apparaître des dieux -- ex machina -- dans leurs temples...)
À la fois à travers leurs mythes et leurs traditions philosophiques, les Grecs semblent avoir eux aussi largement limité l'essor autonome des techniques. Ils l'ont fait au nom d'un refus de la tentation de puissance (démesure et transgression) qu'ils sentaient présente dans la technique, aussi bien que d'un refus éthique de laisser cette technique prendre le pas sur d'autres valeurs: les valeurs sacrées de la Cité et les valeurs éternelles du Logos.
Le christianisme de l'Europe médiévale a, pour sa part, largement contribué à creuser l'écart entre le monde du sacré et l'univers profane de la technique qui avait déjà commencé à s'instaurer avec la Grèce de l'Âge classique. La conception chrétienne de la transcendance divine joue ici un rôle déterminant. Elle renvoie au fond la technique du côté d'un monde purement profane. L'«essentiel», le «salut» est ailleurs.
Paradoxalement, tout se passe cependant comme si une telle attitude avait eu pour effet de laisser en quelque sorte la technique à elle-même en favorisant son essor autonome. Mais plus encore: la technique médiévale finira par être revêtue d'un nouveau symbolisme qui, à terme, la valorisera positivement. Elle devient, dans le contexte des attentes millénaristes déçues de l'Europe médiévale, le moyen et le signe de la réalisation d'une eschatologie de plus en plus sociale et terrestre. Le retour glorieux du Christ se fait attendre: on comptera donc sur cette technique pour hâter l'avènement de la Cité Nouvelle, du Royaume de Dieu sur terre. (Songeons notamment ici à la contribution décisive de l'Ordre cistercien, qui contribua largement à l'élaboration et à la diffusion de nombreuses techniques à travers toute l'Europe du Moyen Âge). La technique devient par là-même un «moyen de la Providence» qui, par elle, donne à l'homme la possibilité de parachever -- voire de «corriger», au besoin -- la création. Dans l'imaginaire occidental (et ce, encore une fois, dès un Moyen Âge que l'on s'entête encore parfois à dépeindre sous les traits d'une «grande noirceur» superstitieuse et ignorante), la technique devient ainsi le moyen privilégié de transformer qualitativement le monde déchu par le péché, de le faire croître en fonction des desseins de Dieu et du salut de l'homme.
L'Occident, de la Renaissance à la Révolution industrielle, va en un sens continuer de déployer -- en la laïcisant de plus en plus -- cette vocation eschatologique et sotériologique de la technique. En apparence, en effet, la technique (comme la science d'ailleurs) échappe de plus en plus à tout codage religieux et semble instaurer un nouvel ordre technicien purement profane, sous l'égide de la Raison conquérante et démythifiante. En fait, s'y manifeste ce qu'on peut voir comme une véritable «ruse» symbolique de la technique: si cette technique conquérante et profane peut se déployer ainsi jusqu'à l'explosion de la Révolution industrielle et du monde moderne, il semble bien en effet que ce soit précisément dans la mesure où elle se réinsère dans un puissant univers symbolique qui la resacralise pour en faire le moyen d'un nouveau salut collectif, d'un nouvel âge d'or : en d'autres termes, d'un nouvel ordre du monde. Dans cette «religion» scientiste -- et très prométhéenne -- de la puissance technicienne, l'objet technique (principalement sous la forme de la machine ) devient le symbole non plus d'une transgression dangereuse qu'il faudrait à tout prix contraindre, mais bien au contraire d'un nouvel ordre sacré du monde que le Progrès est en train de faire radieusement advenir.
Bien des indices donnent à penser que notre civilisation occidentale contemporaine demeure largement sous l'empire d'une symbolique prométhéenne qui attend non seulement toujours du déploiement de la puissance technicienne la promesse d'un nouvel «âge d'or», mais qui étend en outre le «domaine» de cette puissance à l'ensemble de la société et de la culture: la technique devient tout à la fois le moyen et le symbole privilégié d'une transformation de l'ordre humain et social, tout comme elle l'avait été dans le domaine de la nature et de la matière.
La puissance à laquelle renvoie la technique moderne n'est cependant plus tout à fait celle de cette «religion de la puissance» qui caractérisait le monde industriel en gestation et le radieux scientisme du siècle dernier. Là où le 19e siècle «rêvait» encore à l'à-venir de cette puissance (songeons par exemple aux anticipations de Jules Verne), notre époque vit avec la conscience quasi quotidienne de son accomplissement.
C'est en fait un renversement déterminant de la figure symbolique de la technique qui semble bel et bien s'être opéré. La puissance ainsi déployée (par la technique) devient de plus en plus elle-même l'objectif et la fin, le but de toute technique. Cette dernière tend désormais moins à réaliser son projet originaire de réagencement rationnel du monde (cela étant à maints égards accompli) qu'à réaliser sa propre effectuation -- c'est-à-dire à réaliser cette puissance qu'elle recèle. La «puissance du rationnel» , au service de laquelle s'était jusque là mobilisée la technique, s'est largement métamorphosée en rationalité de la puissance -- devenue fin en soi. La technique moderne devient ainsi l'expression d'une sur-rationalité -- qui, bien entendu, de la pollution à la bureaucratie, en passant par la téncité atomique, confine fréquemment à l'irrationalité. Et il semble bien que ce soit cet sur-rationalité qui, imposant la forme spécifique de la raison technicienne comme fin ultime, s'impose elle-même comme valeur suprême, absolue. La technique doit désormais être implantée, favorisée, développée parce qu'elle est là, inéluctablement -- quoi qu'en aient les bonnes âmes écologistes et les nostalgiques des moulins-à-vent.
Il convient de s'interroger sur ce que devient, sous l'égide de cette nouvelle figure symbolique de la technique, l'économie du sacré. Si la technique s'articule bien toujours au pôle d'un sacré de respect qui la consacre -- plus que jamais -- comme symbole efficace de l'ordre du monde et garant de sa puissance, cette symbolique sacrée s'enracine désormais directement dans le système technique lui-même. Mais si, comme l'a fort justement noté G. Simondon (1979), la technique est bien le monde du morcellement et de la pluralité des objets -- par rapport au monde religieux de l'unité --, on comprend que, dès lors que cet univers de la technique devient lui-même la source de la symbolisation, cette dernière ne puisse désormais se faire que de manière éclatée et morcelée.
C'est ici qu'apparaît utile le concept de dissacralisation, emprunté à S. Acquaviva (1967) (quoique celui-ci l'ait utilisé, il y a plusieurs années déjà, en un sens qui en faisait à toutes fins utiles un simple synonyme de «désacralisation»). Un tel concept apparaît en effet fort utile pour penser -- en même temps -- ces deux mouvements opposés que sont la désacralisation et la resacralisation, cela apparaissant nécessaire pour sortir de l'impasse à laquelle aboutit la stérilité de bien des débats actuels sur les rapports entre technique et sacré aujourd'hui.
Acquaviva avait en partie raison de poser que, par rapport aux formes «traditionnelles» du sacré, la technique a bien l'effet de désacraliser le monde et de faire reculer la pensée symbolique. Et cependant, tout se passe comme si cette désacralisation du monde elle-même -- c'est-à-dire son «explication», sa réduction à une pensée rationnelle et opérationnelle -- devenait elle-même, à son tour, la quête sacrée de l'humanité moderne. De ce point de vue, il faut reconnaître à Jacques Ellul (1973 et 1977) l'immense mérite d'avoir signalé à quel point la technique constitue bel et bien l'une des expressions privilégiées du «sacré moderne».
C'est à l'intérieur du champ technique lui-même que s'opère plus profondément encore ce double mouvement de dé-sacralisation et de re-sacralisation que tente précisément de rendre le concept de dissacralisation. Sans cesse, en effet, toute une partie du champ technique est pour ainsi dire rendue à la profanité, vidée de sa dimension sacrée, livrée à des attitudes purement instrumentales et fonctionnelles; tandis que, au même moment, une autre région de ce champ, occupée par les «nouvelles technologies» (ou les plus récents gadgets de l'heure), se voit en revanche puissamment resacralisée. Globalement, ce concept de dissacralité vise donc précisément à suggérer la simultanéité -- plus que le simple parallélisme -- de ce double mouvement. Il suggère en fait d'y voir l'un des principes de «fonctionnement» du sacré à notre époque, bien au-delà même de la sphère strictement technique -- dans laquelle il se manifeste cependant de manière privilégiée.
Nous vivons en effet de plus en plus dans une culture où le sacré n'est plus géré et pris en charge par une institution, par un clergé dont la légitimité serait universellement -- ou, en tout cas, très largement -- reconnue. Le sacré, par là-même désancré, désinstitutionnalisé, ne disparaît toutefois pas purement et simplement, comme on a pu le penser dans l'enthousiasme des années d'après-guerre, et comme certains s'entêtent à le croire encore aujourd'hui. Il se maintient plutôt comme une sorte d'arrière-monde flottant et flou, de ciel nébuleux, de brume qui, chargée des effluves des siècles passés, continuerait de flotter sur les choses tout en modelant la conscience collective.
Le terme de dissacralité traduit assez précisément cette persistance floue du sacré qui n'est plus aussi directement tangible mais demeure tout de même présent dans le paysage, tout comme il suggère bien ce morcellement, cet émiettement, cet éclatement qui amène le sacré à se cristalliser aujourd'hui sur de multiples objets -- ponctuels, éphémères, évanescents. La racine dis-, ici, évoque bien la dis-jonction, la rupture à l'intérieur de la sphère même du sacré: dis-jointe, celle-ci se dis-tribue sur nombre d'objets concrets ponctuels, gros de tous les espoirs: du réfrigérateur de nos grands-parents aux «transformers» de nos enfants, en passant par nos vidéos, nos ordinateurs et nos chaînes laser, mais aussi nos partis politiques et nos maîtres à penser, nos héros littéraires ou nos partenaires amoureux, le schème se dissémine en ce qui apparaît comme un nouvel éthos, au sens weberien du terme (et suggère par là la fécondité d'une telle lecture eu égard au projet d'une socio-anthropologie vraiment compréhensive de notre temps).
La simultanéité des deux mouvements -- désacralisation et resacralisation -- doit par ailleurs se penser dans les deux sens. C'est en effet grâce à une double désacralisation que s'opère la disjonction dans la sphère du sacré: désacralisation globale du monde par la raison pratique et profane; désacralisation partielle des objets (techniques, notamment) rapidement frappés d'obsolescence. Mais c'est aussi grâce à une double re-sacralisation concomitante: resacralisation de tel objet particulier sur lequel le sacré se cristallise à nouveau un moment et, par là-même, re-sacralisation globale du monde ambiant, qui se trouve lui aussi étrangement réenchanté, comme en vertu d'une mystérieuse communication de privilège.
Morcèlement, émiettement, renouvellement continuel de l'univers symbolique: notre époque est bien toujours prométhéenne -- mais c'est la figure de Prométhée enchaîné à son rocher, plus que celle de l'intrépide conquérant du feu, qui semble désormais l'emblématiser: tel le foie du héros sans cesse dévoré par l'Aigle et sans cesse renaissant, notre civilisation ne cesse en tout cas de secréter des fragments de mythes (c'est-à-dire de sens et d'espoir) autour de nouveaux objets techniques sans cesse dévorés eux-mêmes par la voracité du Progrès et de l'Innovation.
Cette hégémonie contemporaine de la technique, inutile sans doute de le redire, semble résolument inscrite du côté d'un sacré de respect, de légitimation de l'ordre du monde -- aux antipodes, donc, du caractère essentiellement transgressif de la technique primitive. Et cependant, il faut également interroger ce qui, dans les interstices de la sur-rationalité technique de notre époque, semble en quelque sorte lui échapper -- notamment sur ce qu'on pourrait appeler des «lignes de fuite» qui remettent en cause cet «ordre» sur-rationnel de la technique en faisant appel à d'autres pratiques, dans lesquelles se laisse entrevoir l'antique pôle sacré de la transgression.
S'il est indéniable que la technique actuelle (y compris bien entendu sous la forme de ces «nouvelles technologies» que nous connaissons aujourd'hui) contribue bien à imposer un nouvel ordre sacré du monde en renforçant la rationalité et la productivité, force est aussi de reconnaître -- pour peu qu'on y soit attentif -- qu'elles donnent également lieu à de nouvelles applications souvent beaucoup plus «ludiques», à d'authentiques cristallisations du désir , voire à la création de nouveaux réseaux de convivialité. Les «maniaques de l'informatique», qui sacrifient leurs nuits à programmer des logiciels ou qui déploient des trésors d'ingéniosité pour en pirater d'autres -- pour le seul plaisir du défi! --, les millions d'internautes (de 7 à 77 ans!), dont la ferveur à se «brancher» n'est pas sans évoquer celle des «machines désirantes» de Deleuze et Guattari, offriraient sans doute ici d'excellents exemples.
On pourrait les multiplier. Qui sait: Dionysos, dieu du plaisir, de la passion et de l'excès, du «désordre» à la fois bordélique et créateur, se faufile peut-être encore aujourd'hui, à l'ombre des ordinateurs et des robots, en s'amusant à leur faire des pieds de nez -- et à nous faire des clins d'oeil.
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BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES CITÉS
ACQUAVIVA S., 1967.L'éclipse du sacré dans les civilisations industrielles. Tours, Mame.
BATAILLE G., 1955. Lascaux ou la naissance de l'art. Paris. Skira.
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CAILLOIS R., 1950. L'homme et le sacré. Paris, Gallimard.
CLASTRES P., 1974. La société contre l'État. Paris, Minuit.
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SIMONDON G., 1979. Du mode d'existence des objets techniques. Paris, Aubier.
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[1] Cet article reprend un certain nombre d'éléments d'une recherche effectuée il y a quelques années et dont les principales conclusions ont été publiées dans G. Ménard et C. Miquel, 1988. |retour au texte|
[2] Cf. également G. Bataille, 1955 et 1957. |retour au texte|
[3] Pour emprunter l'expression à D. Janicaud, 1985. |retour au texte|
[4] Notamment au sens de Deleuze et Guattari, 1972, 1980. |retour au texte|
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