Éditorial de Mario Bard,
du Relais Mont-Royal
Vivre son sacré quotidien!
Vivre son quotidien sans se soucier de la dimension sacrée de l'existence, est-ce possible? C'est une question que je me pose depuis que je prie plus régulièrement. En effet, tous les matins, je prends le temps à mon réveil de prier, de parler avec le Dieu qui m'accompagne, le Dieu de Jésus Christ. Mais après, qu'en advient-il? Est-ce que je l'oublie pour vaquer à mes occupations quotidiennes sans trop penser à lui? Suis-je indifférent à sa présence 23h30 sur 24?
En mettant les deux pieds dehors, ou même, en regardant un bon film à la télé, je suis confronté à une société qui véhicule ses propres valeurs et je ne peux rester de glace devant certaines d'entre elles. Je fais partie de cette société. Certaines valeurs m'attirent, d'autres me répugnent. Dans celles qui m'attirent, il y en a une qui est prépondérante pour mon bien-être personnel; la liberté. Être libre, c'est à mon sens, accepter de plus en plus ma condition d'être humain ayant des limites et travaillant avec celles-ci. La liberté est sûrement présente quand je peux reconnaître en moi ce qui me rend incapable d'être libre, dont cette folle envie de compétitionner, d'être le meilleur à tout prix. Valeur qui me pue au nez, la compétition, mais qui, en même temps, m'attire par ses illusions de succès. Argent, gloire, reconnaissance, mercedes à la porte tous les matins, souper dans les plus grands restaurants de Montréal, coucher dans les grands hôtels lors de congrès, ou simplement pour le plaisir, vivre ce " vedettariat " dans le faste et l'impression de succès absolu. C'est une valeur que plusieurs d'entre nous recherchons inconsciemment. Un fantasme collectif à réaliser seul autant que possible, pour que toutes les retombées soit uniquement par et pour nous.
Non. Je désire vivre autrement mon sacré quotidien. Le vivre avec des gens qui gardent les deux pieds sur terre, qui savent dire encore dire merci à la vie, qui veulent demeurer simples, et non simplets, s'éduquer au jour le jour, par le partage de leur fraternité.
Mais, est-ce que tous ces espoirs, cette manière de voir, est réaliste dans notre monde? Est-ce que le quotidien vécu en société ne nous amène pas vers d'autres valeurs qui n'ont rien de sacré? Sûrement si je ne demeure pas vigilant de l'intérieur. "Mon âme se repose en paix sur Dieu seul." Face à la surconsommation et aux manques d'éthique de plusieurs commerçants et fabriquants de rêve, il est difficile de bénir mon présent dans la rue, dans l'autobus. Tout s'agite autour de moi. N'être plus moi mais celui qui réussit à tout prix. Comme je l'ai dit plus haut, mercédes, boulot, dodo. Comment faire en sorte que mon être plus profond, celui nourri par Dieu le matin, soit celui qui est en société? Vous me répéterez sans cesse et en criant : PRIE. Au début, je vous servirai une série d'arguments qui prouvent qu'on ne peut prier dans l'autobus à cause du bébé ou de la belle personne assise juste en face de soi. Puis, je vous dirai que je viens de la campagne et que , là-bas, tout est plus propice à la prière. La ville ne fait que hurler. Sa publicité, sa musique et ses illusions hurlent. Au début, j'aurai raison. Puis, vous oserez de nouveau aborder le sujet. De plus, vous me questionnerez sur mon état émotif : "Comment vas-tu aujourd'hui, es-tu heureux?". Oui, parfois je le suis. À la prière commune, tout va bien. Puis vient le temps d'entrer chez soi. Dehors, il y a beaucoup de monde, beaucoup de bruits, beaucoup trop pour que j'arrive à bénir ce quotidien démantelé de la présence de Dieu. Désespéré, je ne voudrai plus sortir de l'église. Je resterai accroché a mon désir. Celui de me sentir toujours dans un lieu béni, chaleureux, feutré. Ce désir il n'y a que lui. Mais où est mon désir du Christ? Je ne suis pas moine, pas encore. J'aime communiquer et Dieu m'a pourvu d'une grande bouche. Ce n'est pas pour rien! Alors, c'est l'impasse. Je ne peux rester plus longtemps dans l'ambiance feutrée. On va fermer l'église et chacun retournera à son quotidien. Alors, comment envisager ce quotidien, comment le vivre? Si je ne suis ni à l'église, ni au couvent. Comment faire?
Neuf ans après mon arrivée à Montréal, je commence à comprendre qu'il peut être possible d'être avec le Christ tous les jours. Je suis mieux dans cet environnement qu'est la ville. Je commence à comprendre qu'en ville il est aussi possible de prier. La rencontre de Dieu ne se fait pas seulement à la campagne dans l'admiration béate de la création. Le rat des villes, pour reprendre le titre de la fable, est aussi assoiffé d'absolu que le rat des champs. Et de milieu propice à la prière, il n'y en n'a qu'un : l'intérieur de soi. De plus, qu'on soit croyant, athée, agnostique ou autres, le regard que l'on porte à l'intérieur est essentiel pour se retrouver et continuer. Le " sacré quotidien " devient sacré si je prends le temps d'être ce qu'il y a au plus profond de moi. Et dans mon cas, ce plus profond de moi désire être avec le Dieu de Jésus. Il faut marcher de très longues routes pour y arriver. Ces routes sont celles d'un quotidien qui réclame à haut crie notre désir d'absolu. Simple, mais présent. Simplement.
Mario Bard
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